France 5, lundi 25 mars à 20 h 55, film

Grâce à Billy Wilder, Audrey Hepburn avait déjà accroché Humphrey Bogart (dans Sabrina) et Gary Cooper (dans Ariane) à son tableau de chasse. En 1962, Stanley Donen lui propose de tourner avec Cary Grant. En matière de Hepburn, l’expérience de l’interprète d’Hitchcock et Hawks se ­limitait à la seule Katherine. Avec Charade, les deux stars complétèrent brillamment leurs collections respectives. Comédie érotique et thriller sanglant, Charade fit scandale à sa sortie, fin 1963, ce qui n’empêcha pas le film de remporter un immense succès.

On ressentait encore des frissons délicieux à entendre une veuve toute fraîche proposer à un quasi-inconnu d’entrer dans sa chambre d’hôtel en lui disant « vous savez, je ne mords pas, à moins que la situation ne l’exige », à découvrir un ­cadavre au visage affreusement déformé sous le sac de plastique qui l’a asphyxié. La liaison entre Reggie Lampert (Hepburn) et Peter Joshua (Grant) entamée sur les pentes d’une station de ski, poursuivie dans les rues de Paris (où le film fut effectivement tourné) alors que rôde une bande de tueurs est aussi une histoire d’amour sophistiquée, qui satisfait aux canons de la ­comédie hollywoodienne.

Stanley Donen est un spécialiste des ­phases de transition du cinéma hollywoodien : « Chantons sous la pluie » raconte le passage du muet au parlant

Cette position frontalière, entre classicisme et affranchissement des règles de la censure, fait de Charade un film exceptionnel au charme délicatement toxique. Stanley Donen est un spécialiste des ­phases de transition du cinéma hollywoodien : Chantons sous la pluie raconte le passage du muet au parlant.

Ce cinéaste rusé comme Ulysse met ici le suspense au pas de la ­comédie musicale : les scènes d’action tiennent la place des numéros dansés et chantés, pendant que la continuité dramatique est assurée plus par les tribulations amoureuses de Reggie et Peter (qui change bientôt de nom et de prénom à chaque séquence) que par l’intrigue policière. Le plus spectaculaire de ces interludes violents oppose Cary Grant à George Kennedy sur un toit d’immeuble. La musique de Henry Mancini – remarquable tout au long du film – atteint alors un sommet d’intelligence avec ses sourdes pulsions de cordes au lieu des stridences attendues.

Ces richesses, on ne les découvrira qu’à la deuxième ou troisième vision. La première fois qu’on voit Charade, on n’a d’yeux que pour ces êtres presque divins, Cary Grant et Audrey Hepburn.

Charade (1963) - Trailer
Durée : 03:16

Charade, de Stanley Donen. Avec Audrey Hepburn, Cary Grant, Walter Matthau, Jacques Marin (EU, 1963, 110 min). www.france.tv/france-5