Canal+ - Lundi 25 Mars- 20 h 55. Mini-série

Patrick Melrose, tel qu’on le rencontre dans le premier épisode de la minisérie britannique qui porte son nom, se montre un dandy brillant, plein d’humour, accro aux stupéfiants les plus divers autant qu’au sarcasme et à la haine de soi. Cet homme aux tendances suicidaires, rejeton de la haute société colonialiste britannique – un père aristocrate anglais sans le sou, une mère riche héritière américaine –, promet de se sevrer de ses addictions lorsqu’il apprend que son père, haï au plus haut point, vient de décéder à New York.

Mais cette mort, d’abord accueillie comme un soulagement et même une revanche, va le replonger dans d’horribles traumas vécus dans l’enfance, et augmenter son recours aux psychotropes. D’où un épisode hallucinatoire qui voit Patrick Melrose délirer, entendre des voix, se tordre de douleur, prétexte à un (trop) long exercice de style de la part du réalisateur, Edward Berger (Deutschland 83), pour imager les tourments intérieurs du jeune homme.

Un talentueux casting

Il faut persévérer jusqu’au deuxième épisode pour revenir à un récit plus linéaire et percevoir ce que fut l’enfance du petit Patrick, entre un père tyrannique – il s’agit là d’un euphémisme – et une mère terrorisée, en fuite dans l’alcool. Terrible tableau que ce monde du milieu du XXe siècle dans lequel évolue le tout jeune Patrick Melrose, au sein d’une caste britannique hautaine cultivant à l’extrême l’entre-soi, un détachement sarcastique et un humour ravageur. L’on suivra son parcours chaotique entre 1982 (épisode 1) et 2005 (épisode 5), après un retour sur son enfance, pendant des vacances en Provence (épisode 2, situé en 1967). L’enjeu pour le jeune homme et l’intérêt de la série tenant au chemin de croix qu’il devra parcourir pour s’extraire d’un milieu éminemment destructeur, se libérer de ses béquilles chimiques et s’engager vers une forme de rédemption.

Lire la chronique (en 2015) : Benedict Cumberbatch, acteur tout-terrain

Adaptée par David Nicholls des romans en partie autobiographiques d’Edward St Aubyn (dont Le Goût de la mère, Christian Bourgois, 2007, prix Femina étranger cette même année), cette minisérie offre un formidable terrain de jeu à Benedict Cumberbatch (Sherlock, Doctor Strange), qui y interprète Patrick Melrose depuis son entrée dans l’âge adulte jusqu’à la quarantaine, du junkie jet-setteur et autodestructeur à l’homme mûr apparemment posé, marié et père aimant. Après avoir interprété Hamlet sur les planches londoniennes en 2015, l’acteur joue ici, dans une performance à la très large palette, un personnage qu’il souhaitait incarner depuis longtemps et qui lui correspond parfaitement. Il est entouré d’un casting terriblement talentueux, qu’il s’agisse de Hugo Weaving (Matrix, Le Hobbit) dans le rôle du père de Patrick Melrose ou de Jennifer Jason Leigh en mère doublement évanescente, une première fois en tant que jeune femme fragile et fuyante, puis en vieille femme perdant légèrement la tête.

Mais tout en s’appuyant sur un scénario brillamment dialogué, Patrick Melrose souffre quelque peu du monde cynique et froid qu’il dépeint : l’on y ressent souvent plus une recherche de performance (d’acteur, de réalisation, d’écriture) que la désespérance d’un homme condamné à l’ironie pour survivre au désastre de son enfance, alors qu’il aspirerait à « être libre, spontané », et à « ressentir quelque chose ».

Patrick Melrose - Bande Annonce - CANAL +
Durée : 01:06

Patrick Melrose, créée par David Nicholls. Avec Benedict Cumberbatch, Hugo Weaving, Jennifer Jason Leigh (GB, 2018, 5 × 52 min). Diffusée sur Canal+, Canal+ Séries et Canal+ Décalé, la série est disponible en intégralité sur MyCanal.