Des traders à la Bourse de New York, en décembre 2016. / Lucas Jackson / REUTERS

Les bonus ont baissé de 17 %, en 2018, à Wall Street, selon les chiffres publiés, mardi 26 mars, par Thomas DiNapoli, le New York State Comptroller, l’équivalent du président de la Cour des comptes, en France. Ils se sont établis, en moyenne, à 153 700 dollars (136 150 euros), contre 184 400 dollars, en 2017. Le chiffre a été affecté par la mauvaise tenue boursière de 2018, en particulier le mois de décembre, tandis que l’année 2017 avait été dopée par la réforme fiscale, qui, pour des raisons techniques, avait conduit les entreprises à anticiper le versement de certaines primes.

L’an dernier, de nombreux observateurs avaient comparé les bonus versés avec le record nominal de 191 400 dollars, atteint en 2006, dénonçant le retour de la folie boursière. Mais, corrigé de l’inflation, ce chiffre équivaut à 238 400 dollars. En valeur réelle, les bonus ont donc baissé de plus d’un tiers depuis les extravagances qui avaient précédé la crise.

Il n’empêche, comme le note M. DiNapoli, les bonus restent deux fois plus élevés que le salaire moyen à New York. Tout compris, les revenus annuels ont atteint, à Wall Street, 422 500 dollars en 2017 (dernier chiffre disponible), soit cinq fois plus que dans les autres secteurs économiques privés (77 000 dollars). Un quart des salariés de Wall Street gagne plus de 250 000 dollars par an, contre moins de 3 % pour les autres travailleurs new-yorkais. La finance reste très riche – les profits ont augmenté, l’an dernier, de 11 %, pour atteindre 27,3 milliards de dollars.

Surtout, les banques continuent à attirer sur elles l’attention médiatique. Goldman Sachs est empêtré dans un immense scandale de corruption en Malaisie et son conseil de surveillance a annoncé qu’un audit externe pourrait forcer le patron, David Solomon, et son prédécesseur, Lloyd Blankfein, à rendre une partie de leur bonus.

« Je n’ai pas de problème à payer plus d’impôts  »

Quant au patron de JPMorgan, Jamie Dimon, sa rémunération a franchi la barre des 30 millions de dollars, en 2018, une première depuis la grande crise. Fort de ses 31 millions, le patron s’est, toutefois, dit prêt à payer plus d’impôts. « Je n’ai pas de problème à payer plus d’impôts pour traiter les défis et les iniquités fondamentales de notre société. »

Lâcher du lest pour limiter les mesures qu’imposera sans doute une majorité démocrate si elle conquiert la Maison Blanche en 2020, c’est la tactique que semblent adopter les régulateurs de Wall Street, nommés par Donald Trump, avec le consentement des patrons des grandes banques américaines.

Ainsi, le dossier de la régulation des bonus est de nouveau sur la table, comme l’a révélé, début mars, le Wall Street Journal. La loi dite « Dodd-Frank », adoptée en 2010, prévoyait d’encadrer les rémunérations conduisant à des prises de risque excessives, mais son application a été torpillée à deux reprises, en 2011 et en 2016, par les patrons de Wall Street, qui estimaient que les mesures descendaient trop bas dans l’échelle des employés.

La Réserve fédérale (banque centrale américaine) et d’autres instances de régulation ont exhumé la proposition qui ne concernerait désormais que le top management. Celle-ci prévoyait timidement le bannissement des rémunérations « excessives » – sans les plafonner, à la différence de l’Europe –, un paiement différé de la moitié des bonus sur quatre ans – la pratique actuelle est de trois ans — et la possibilité de les récupérer pendant sept ans, s’il s’avère que les comptes sont révisés ou qu’un patron a nui a son entreprise.

« Certains dirigeants de banque sont ouverts à ce que les agences de régulation écrivent une nouvelle version des règles, pariant que les limites seront plus douces sous l’administration Trump que si un démocrate accède à la Maison Blanche en 2020 », écrit le Wall Street Journal, alors que la pratique a quand même évolué. Ainsi, la part des rémunérations rapportée au chiffre d’affaires des banques a baissé, passant de 44 % à 33 % chez Goldman Sachs. Alan Johnson, un consultant interrogé par le Wall Street Journal a eu ce commentaire : « Je crois que les régulateurs vont relancer une guerre qu’ils ont déjà gagnée. » Peut-être, mais cet avis n’est sans doute pas partagé par Main Street.