Lucetta Scaraffia, fondatrice de la revue « Femme Eglise Monde », le 28 février 2018. / Domenico Stinellis / AP

La fondatrice féministe et toute l’équipe de rédaction du mensuel du Vatican consacré aux femmes ont annoncé, mardi 26 mars, l’arrêt de la publication, en dénonçant une tentative de mainmise masculine sur leur travail.

« Nous jetons l’éponge parce que nous nous sentons entourées par un climat de méfiance et de délégitimation progressive », écrit la fondatrice italienne, Lucetta Scaraffia, dans une lettre au pape rendue publique mardi.

Pour cette historienne et journaliste catholique féministe, « avec la fermeture de Femmes Eglise Monde se termine, ou plus exactement se brise, une expérience nouvelle et exceptionnelle pour l’Eglise ».

« Pour la première fois, un groupe de femmes, qui se sont organisées de manière autonome et qui ont décidé en interne les tâches et les arrivées de nouvelles rédactrices, a pu travailler au cœur du Vatican et des communications du Saint-Siège, avec intelligence et des cœurs libres, grâce au soutien de deux papes. »

Dossier sur les religieuses violées

Le mensuel, né il y a sept ans avec l’approbation de Benoît XVI, est attaché à L’Osservatore Romano, le quotidien officiel du Vatican. Il dispose aussi de versions en espagnol (dans la revue Vida nueva), en français (dans La Vie) et en anglais (sur Internet).

Il a publié beaucoup de textes à propos de la spiritualité et de la théologie, mais il aborde aussi des thèmes très féministes, comme l’exploitation servile, souvent sans aucune rémunération, des religieuses. En février, la revue avait publié un dossier sur les religieuses violées, forcées à avorter ou à élever seules, chassées de leur communauté, des enfants jamais reconnus par leur prêtre de père. Dans la foulée, le pape François avait admis pour la première fois de telles exactions commises par des prêtres.

Lucetta Scaraffia a rendu public l’éditorial du dernier magazine qui doit théoriquement être publié le 1er avril, dans lequel elle met directement en cause « la nouvelle direction de L’Osservatore Romano », accusée d’avoir mis les femmes dos à dos.

La revue de femmes avait le soutien de l’ex-directeur de L’Osservatore Romano, Giovanni Maria Vian, un érudit professeur d’université remercié du jour au lendemain en décembre, remplacé par l’écrivain Andrea Monda dans le cadre d’un vaste remaniement de toute la communication du Vatican.

Dans un communiqué, M. Monda a « pris acte » de la fin de la publication et remercié Mme Scaraffia pour son « précieux travail ». Il affirme toutefois n’être jamais intervenu dans le mensuel, se limitant à « suggérer » des thèmes et des personnes à éventuellement impliquer.