L’acteur Jussie Smollett (au centre) avec son avocate, lors d’une audience le 14 mars 2019 à Chicago. / POOL / REUTERS

C’est un feuilleton judiciaire digne d’un film à suspense. Les chefs d’accusation retenus contre l’acteur américain Jussie Smollett, accusé d’avoir inventé une agression raciste et homophobe dont il aurait été la victime, ont été finalement abandonnés, mardi 26 mars, à la surprise générale. 

« Tous les chefs d’inculpation contre Jussie Smollett ont été effacés de son casier judiciaire. Jussie a été attaqué par deux personnes qu’il n’a pas pu identifier le 29 janvier », ont écrit les avocats de l’acteur dans un communiqué :

« Il est une victime qui a été diffamée, et pointée du doigt comme l’instigateur de cette agression après des remarques fausses et inappropriées, qui ont conduit l’opinion publique à établir un jugement précipité et incorrect. »

« Ici, c’est le pays MAGA ! »

Début février, la star de la série Empire porte plainte à la suite d’une agression. A 2 heures du matin, le 29 janvier, à Chicago, deux hommes cagoulés l’auraient roué de coups, en criant « Ici, c’est le pays MAGA ! » (référence au slogan de campagne de Donald Trump, « Make America Great Again »). Selon Jussie Smollett, les deux hommes auraient également placé une corde autour de son cou et l’auraient aspergé d’eau de javel.

Fils d’une militante des droits civiques amie d’Angela Davis, l’acteur américain est lui-même un activiste 2.0, et alimente régulièrement de posts engagés ses comptes Instagram et Twitter (respectivement 5,3 millions et 1,3 million d’abonnés). Deux jours après l’agression, les messages de soutien abondent, et Donald Trump lui-même, interrogé sur l’affaire, la qualifie d’« horrible ».

Dénonciation calomnieuse

Mais, très vite, la machine se grippe : Smollett refuse de confier son téléphone portable aux enquêteurs (il finira par leur fournir une version expurgée et plus ou moins inutilisable de son historique d’appels) et les policiers échouent à trouver une vidéo pour corroborer son récit. Deux semaines plus tard, deux frères nigérians, agresseurs présumés, sont arrêtés à l’aéroport de Chicago. L’un est le coach sportif de l’acteur, l’autre est apparu dans quelques épisodes d’Empire, et l’on retrouve chez eux le scénario d’un épisode de la série.

Au cours de l’interrogatoire, ils affirment avoir été payés par Smollett pour mettre en scène l’agression, et sont relâchés deux jours plus tard. Face aux doutes qui enflaient déjà sur les réseaux sociaux et dans les médias (principalement sur Fox News, où les journalistes ont rapidement dénoncé une nouvelle dérive des « Identity Politics » (tendance des personnes partageant une identité raciale, religieuse, ethnique, sociale ou culturelle particulière à former des alliances), Smollett donne une interview exclusive, le 14 février, dans l’émission phare d’ABC, « Good Morning America ». En larmes, il fait part de son effarement face à la mise en doute de sa parole de victime. Le 20 février, il est inculpé pour dénonciation calomnieuse : la police le soupçonne d’avoir tout inventé, notamment en vue de faire avancer sa carrière.

Mi-mars, devant un tribunal de Chicago, l’acteur, écarté des deux derniers épisodes de la série Empire à cause de cette affaire, a plaidé non coupable de fausse plainte. Finalement, les juges auront donc décidé d’aller dans son sens. « Après avoir étudié tous les faits et les circonstances, notamment le service civique réalisé par M. Smollett auprès de la municipalité et la caution versée à la ville de Chicago, nous pensons que cette solution est la meilleure disposition pour résoudre ce cas », a justifié le bureau du procureur. Le communiqué ne précise pas en revanche si de nouvelles informations ont permis d’affaiblir les accusations contre M. Smollett.