L’Union européenne a décidé, mercredi 27 mars, de suspendre temporairement le déploiement de ses moyens navals de sauvetage des migrants au large de la Libye, qui avait été entamé en 2015 dans le cadre de la mission militaire « Sophia ». Un accord a bien été conclu entre les 28 pays de l’UE pour prolonger de six mois cette mission, jusqu’en septembre 2019, mais les discussions européennes ont achoppé sur la question du débarquement des migrants secourus, l’Italie – qui a le commandement de la mission – étant notamment opposée à l’utilisation de ses ports.

« L’opération “Sophia” est une opération navale. Il est clair que sans les moyens maritimes, elle ne sera plus à même d’appliquer efficacement son mandat », a reconnu Maja Kocijancic, porte-parole de la chef de la diplomatie de l’UE Federica Mogherini. La prolongation ne porte donc que sur les patrouilles aériennes et la formation des gardes-côtes libyens à la lutte antipasseurs, un aspect controversé de la mission. Des ONG ont dénoncé des cas de violences à l’égard des migrants ou de leurs propres employés lors d’opérations de sauvetage. 

Depuis plusieurs mois l’exécutif européen s’efforçait d’éviter une telle issue dans les discussions houleuses à propos de l’opération entre Rome et les autres capitales de l’UE. La coalition antisystème au pouvoir en Italie depuis 2018 a exigé de changer les règles imposant le débarquement dans les ports italiens des naufragés recueillis par les navires de « Sophia ». « Soit les règles changent, soit il est mis fin à la mission », avait menacé le ministre de l’intérieur italien, Matteo Salvini.

45 000 personnes secourues en mer

Dans ce dossier « rien n’est logique depuis déjà longtemps », a commenté mercredi un diplomate européen. Retirer provisoirement les moyens maritimes, « c’est une manière de limiter les dégâts dans l’espoir qu’une fois la saison électorale passée, on pourra revenir à la raison », a-t-il poursuivi. « C’est vraiment la panne de l’Europe. On tremble devant l’incapacité de l’UE à dessiner une voie commune », a déploré pour sa part Pierre Henry, directeur général de l’ONG France Terre d’asile.

Face à une situation qu’elle jugeait bloquée depuis des mois, l’Allemagne avait décidé en janvier de ne pas remplacer sa frégate opérant dans la zone, l’Augsburg. Depuis ce retrait, deux navires militaires sont déployés en Méditerranée centrale, le Rayo fourni par l’Espagne et le Luigi Rozzo (Italie). Ces frégates sont appuyées par des hélicoptères et avions mis à disposition par l’Espagne, l’Italie, la Pologne et le Luxembourg.

Selon la presse italienne, il n’y a plus eu d’opérations de secours depuis l’été 2018. En janvier, l’amiral Enrico Credendino, chef de la mission, avait revendiqué le sauvetage de 45 000 personnes par « Sophia », soit 9 % du total des migrants secourus en Méditerranée. Plus de 500 embarcations de passeurs ont été mises hors d’usage et 150 trafiquants arrêtés, avait-il ajouté.

En Méditerranée centrale, 160 migrants sont morts ou portés disparus depuis le début de l’année, selon les chiffres datés du 19 mars de l’Organisation internationale pour les migrations. En 2018, 2 299 migrants sont morts ou disparus sur l’ensemble des axes migratoires de la mer Méditerranée, contre 3 139 en 2017.

Un migrant sur 18 meurt en Méditerranée en tentant de rejoindre l’Europe
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