Le 25 novembre 2014, un consommateur allemand, Sasha L., commande un matelas, au prix de 1 000 euros environ, sur le site Internet Slewo.com. Lorsqu’il le reçoit, il retire le film de protection qui le protège, pour l’essayer. Ne le trouvant pas assez confortable, il informe la société Slewo qu’il va le lui retourner, en faisant usage du droit de rétractation de quatorze jours dont bénéficient les consommateurs pour les achats en ligne. Il lui demande d’en organiser le transport.

Slewo refuse, en lui opposant ses conditions générales de vente qui prévoient : « Nous prendrons en charge les frais de renvoi du bien. (…) Votre droit de rétractation s’éteint prématurément dans les cas suivants : en cas de contrat portant sur la fourniture de biens scellés ne pouvant être renvoyés pour des raisons de protection de la santé ou d’hygiène, si les biens ont été descellés après la livraison. »

Raisons d’hygiène

Le vendeur fait valoir que ses conditions générales de vente ne font que reprendre l’article 16 de la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs. Celui-ci exclut le droit de rétractation pour, notamment, « la fourniture de biens scellés ne pouvant être renvoyés pour des raisons de protection de la santé ou d’hygiène et qui ont été descellés par le consommateur après la livraison ».

Sasha L. renvoie quand même le matelas, à ses frais, et en réclame le remboursement. Slewo le lui refusant, il saisit la justice. Le tribunal de district de Mayence lui donne raison, le 26 novembre 2015, et le tribunal régional de Mayence, saisi en appel par l’entreprise, confirme, le 10 août 2016. Slewo fait un recours auprès de la Cour fédérale de justice d’Allemagne.

Celle-ci décide d’interroger la Cour de justice de l’Union européenne sur la portée exacte de la notion de « biens scellés ne pouvant être renvoyés pour des raisons de protection de la santé ou d’hygiène et qui ont été descellés par le consommateur après la livraison ». Elle demande quels sont les biens qui en relèvent. La Cour de Luxembourg, qui statue le 27 mars de cette année, répond que l’exception au droit de rétractation « ne trouve à s’appliquer que si, une fois son emballage descellé, le bien qu’il contient ne peut plus être commercialisé, pour des raisons de protection de la santé ou d’hygiène ».

Assimilation au vêtement

Or, estime-t-elle, un matelas, après avoir été descellé, n’est pas impropre à la commercialisation : « Il suffit de rappeler qu’un seul et même matelas sert aux clients successifs d’un hôtel, qu’il existe un marché des matelas d’occasion, et que des matelas qui ont été utilisés peuvent faire l’objet d’un nettoyage en profondeur. » D’autre part, dit-elle, « au regard du droit de rétractation, le matelas peut être assimilé au vêtement ». Or celui-ci, après essayage, peut être retourné.

La Cour de justice rappelle que l’intention du législateur de l’Union, en créant le droit de rétractation, a été de protéger le consommateur dans la situation particulière de la vente à distance, où « il n’a pas la possibilité in concreto de voir le produit ». Elle rappelle aussi que « le consommateur répond de toute dépréciation d’un bien résultant de manipulations autres que celles nécessaires pour établir la nature, les caractéristiques et le bon fonctionnement de celui-ci », comme elle l’a jugé, le 3 septembre 2009, dans l’affaire Pia Messner contre Firma Stefan Krüger.