Contrôle de police lors d’un pic de pollution, à Paris, en 2014. / FRANCOIS GUILLOT / AFP

Jocelyne Just est pédiatre, pneumologue et cheffe du service d’allergologie pédiatrique à l’hôpital Armand Trousseau, à Paris. Elle constate « des asthmes de plus en plus sévères et qui surviennent de plus en plus tôt ».

Quelles sont les conséquences de la pollution de l’air sur la santé des enfants ?

La pollution de l’air a des conséquences majeures sur la santé des enfants. Je le constate tous les jours dans nos services. A la fois avec des nouveaux cas d’asthme et avec des enfants souffrant d’asthme sévère dont l’état est aggravé par la mauvaise qualité de l’air que nous respirons en Ile-de-France et en particulier à Paris. A chaque pic de pollution, les urgences se remplissent. Mais au-delà de ces épisodes, c’est la pollution de fond que nous connaissons à Paris qui a des effets néfastes sur la santé des enfants.

Outre l’asthme et les allergies respiratoires, la pollution de l’air va avoir des répercussions sur la croissance pulmonaire qui peut être altérée et peut entraîner des dysfonctionnements immunitaires. Elle augmente le risque d’avoir des maladies pulmonaires plus tard et des pathologies vasculaires aiguës comme les AVC ou les infarctus. Des études ont aussi établi un lien avec des pathologies neurologiques comme l’autisme.

En quoi les enfants sont-ils particulièrement sensibles ?

Les enfants sont plus fragiles. Leur appareil respiratoire est immature, c’est-à-dire qu’il n’est pas encore développé. Plus ils sont exposés jeunes, plus les conséquences seront importantes. Des études ont même montré que des mères exposées à la pollution pendant leur grossesse avaient davantage de risque d’avoir des bébés de petit poids, avec des poumons plus petits et avec des risques accrus de devenir asthmatiques.

Les enfants ventilent plus, et de par leur petite taille, ils sont plus proches des sources de pollution comme les pots d’échappements. A la crèche, dès qu’il fait beau, les enfants passent plus de temps dehors et sont donc plus exposés.

Possédez-vous des données épidémiologiques au niveau de l’Ile-de-France ?

Nous n’avons malheureusement pas de données épidémiologiques à l’échelle de l’Ile-de-France. Mais ce que nous constatons, au niveau de la région parisienne, ce sont des asthmes de plus en plus sévères et qui surviennent de plus en plus tôt. Au niveau national, les allergies respiratoires ont explosé. On estime aujourd’hui que 10 % de la population est asthmatique et 30 % sujette à des rhinites allergiques. Et elles s’accompagnent d’une hausse des allergies alimentaires. Si bien qu’aujourd’hui, il n’est pas rare que des enfants cumulent asthme, allergie respiratoire, alimentaire voire cutanée.

A Paris, le fait d’avoir planté des bouleaux, très allergènes, après la tempête de décembre 1999, a contribué à l’explosion des allergies respiratoires. On l’observe à partir de février : avec la conjonction de la pollinisation des arbres et des pics de pollution, on assiste à des crises encore plus sévères car les polluants vont à la fois rendre le pollen plus allergisant et avoir un effet irritant sur les voies respiratoires.

Quelle est la principale source de pollution ?

La première source à Paris et en Ile-de-France, c’est très clairement la voiture. Nos collègues britanniques utilisent d’ailleurs désormais la formule « traffic pollution » pour caractériser les effets de la pollution liée au trafic automobile qui est un cocktail de polluants mixant gaz et particules fines, les particules étant ce qu’il y a de pire sur le plan des dysfonctionnements immunitaires. Aujourd’hui, nous disposons de nombreuses et robustes études scientifiques et médicales qui font le lien avec la survenue de l’asthme et de l’autisme chez l’enfant et de maladies comme Alzheimer ou Parkinson chez l’adulte.

Et plus vous vivez proche d’un axe routier important (ce n’est pas la même chose d’être à 100 mètres ou à 300 mètres) plus ce risque augmente. A Paris, nous vivons tous, à des degrés d’exposition variables, à proximité d’un axe routier. C’est pourquoi il faut absolument trouver des alternatives à la voiture dans les grandes villes. Une étude menée en Californie du Sud a bien montré que lorsqu’on diminue le trafic automobile, on améliore la qualité de l’air et la santé respiratoire des enfants.