Belhassen Trabelsi dans son bureau à Tunis, en septembre 2010. / FETHI BELAID / AFP

Belhassen Trabelsi, beau-frère de l’ancien dictateur tunisien Zine El-Abidine Ben Ali, en détention provisoire à Marseille depuis dix jours, a obtenu, jeudi 28 mars, sa remise en liberté sous contrôle judiciaire contre l’avis du parquet.

Alors qu’il était en cavale depuis mai 2016, après avoir quitté le Canada où il s’était réfugié à la suite de la révolution tunisienne de janvier 2011, le frère de l’ex-première dame tunisienne, Leïla Trabelsi, a été arrêté mi-mars dans le sud de la France et mis en examen pour « blanchiment en bande organisée, recel, usage et complicité de faux documents administratifs » ainsi que pour « entrée irrégulière d’un étranger sur le territoire national ». Sa défense avait fait appel contre son placement en détention provisoire.

M. Trabelsi a été interpellé dans le cadre d’une enquête menée par la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Marseille. Un juge d’instruction marseillais cherche à détailler les circuits financiers de fonds qui auraient transité par des sociétés off-shore aux îles Marshall et par une banque monégasque aux fins d’acquisition, en 2017, d’un bien immobilier à Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes) par M. Trabelsi pour 1,5 million d’euros via un intermédiaire, a-t-on appris lors de l’audience jeudi. La justice s’intéresse également à une fausse transaction établie pour justifier l’origine légale des fonds.

Lors de l’audience, le parquet général de la cour d’appel d’Aix-en-Provence s’est prononcé contre une demande de remise en liberté. « La détention s’impose pour conserver les preuves et indices matériels. Une remise en liberté pourrait rendre plus difficiles les investigations en cours », a estimé l’avocat général, Laurent Robert, évoquant « une forme de clandestinité » dans laquelle vivait M. Trabelsi. « Il ne resterait pas en France » s’il était remis en liberté, a-t-il ajouté.

Finalement, la chambre de l’instruction de la cour d’appel a décidé de sa remise en liberté, conditionnée au versement d’une caution de 100 000 euros. Le contrôle judiciaire prévoit une obligation de résider en France, de ne pas quitter le territoire national et de pointer une fois par semaine dans un commissariat de son lieu de résidence. Il lui est également interdit de rencontrer les autres personnes mises en examen dans cette affaire.

« Je me conformerai à toutes les dispositions qui seront prises. Donnez-moi ma chance de prouver que je ne suis pas un fugitif, mais un homme normal, respectueux de ses engagements », a déclaré à l’audience Belhassen Trabelsi, 56 ans, dont la Tunisie a demandé l’extradition pour son implication dans diverses affaires de corruption. Il y a été condamné par défaut à quinze ans de prison.

Passeport irlandais et permis texan

De 1987 à 2011, la famille de Zine El-Abidine Ben Ali et celle de son épouse, Leila Trabelsi, ont mis la Tunisie en coupe réglée, faisant main basse sur des pans entiers de l’économie. Homme d’affaires alors incontournable, M. Trabelsi fait l’objet de « dix-sept mandats de recherche en Tunisie et de quarante-trois mandats d’amener internationaux », selon le ministère de la justice tunisien.

Qualifié de « quasi-mafieux » dans une dépêche diplomatique américaine de 2008, Belhassen Trabelsi avait trouvé refuge au Canada quelques heures à peine avant la chute de Ben Ali, le 14 janvier 2011, après avoir fui avec sa famille à bord de son yacht.

En mai 2012, après avoir perdu son statut de résident permanent au Canada, M. Trabelsi y avait demandé l’asile politique, disant craindre pour sa vie en Tunisie ; il avait été débouté et était sur le point d’être expulsé lorsque Ottawa avait définitivement perdu sa trace, début juin 2016.

Depuis son départ du Canada, M. Trabelsi vivait en France sous une fausse identité avec un passeport irlandais et un permis de conduire texan. C’est d’ailleurs dans le cadre d’une enquête portant sur les activités d’un faussaire que les faits visant M. Trabelsi ont été mis au jour. Ce faussaire aux tarifs prohibitifs – 60 000 euros pour un faux document – lui avait été conseillé par l’ex-président Ben Ali, réfugié en Arabie saoudite. M. Trabelsi a avoué l’usage de ces faux documents.