Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics (à droite), et Olivier Dussopt, son secrétaire d’Etat, à l’Elysée, le 27 mars. / LUDOVIC MARIN / AFP

Editorial du « Monde ». Réformer la fonction publique ressemble aux travaux d’Hercule. Il faut, à la fois, beaucoup d’énergie et de patience pour y arriver et vaincre les conservatismes. Le premier à avoir lancé une révolution pour moderniser ce super-mammouth, c’est Anicet Le Pors, ministre communiste de la fonction publique (1981-1984), qui avait étendu le statut, au-delà de l’administration d’Etat, aux collectivités territoriales et aux hôpitaux.

Le projet de loi de « transformation de la fonction publique », présenté mercredi 27 mars, a des ambitions beaucoup plus modestes. Conformément à la « feuille de route », définie il y a un an par Edouard Philippe, il ne met pas fin au sacro-saint statut, mais il l’assouplit fortement en inventant « un nouveau contrat social », qui se traduit par un bon nombre de coups de canif. C’est une logique essentiellement comptable qui guide la réforme.

La modernisation pilotée par Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, et par son secrétaire d’Etat, l’ex-socialiste Olivier Dussopt, renforce des pratiques qui existaient déjà, qu’il s’agisse de la rémunération au mérite ou de la facilitation des mobilités entre les fonctions publiques et le secteur privé. Mais il innove sur le recours aux contractuels – un agent sur cinq aujourd’hui – en permettant aux administrations d’y faire appel pour occuper des postes de direction. Un contrat de projet va être créé pour des missions ponctuelles avec une durée minimale d’un an et dans la limite de six ans. C’est la façon dont ces changements seront mis en œuvre qui justifiera ces nouvelles souplesses. Ou non.

Un dialogue de sourds

Le volet sur le dialogue social est plus contestable. Le projet prévoit la mise en place d’un « comité social », une structure unique pour examiner les conditions de travail, d’hygiène et de sécurité, sur le modèle de ce que les ordonnances sur le code du travail ont instauré dans le secteur privé. La moitié des 22 000 instances de dialogue vont disparaître.

Cette réforme nourrit l’inquiétude des syndicats. Pendant un an, la concertation a été quantitativement intense, mais elle s’est résumée à un dialogue de sourds, confirmant que la fonction publique est très loin d’être exemplaire sur le dialogue social.

Les syndicats réclament une suspension ou même un retrait du projet et annoncent une journée de grève le 9 mai, même si les précédentes, à l’exception de celle du 19 mars dans l’éducation, ont été peu suivies. Mais ils devraient s’interroger sur l’image qu’ils donnent d’organisations qui veulent que rien ne change, d’autant plus que leur audience auprès des fonctionnaires faiblit. Aux élections dans les fonctions publiques en 2018, la participation s’est élevée à 49,8 %, trois points de moins qu’en 2014.

L’objectif d’Emmanuel Macron, exprimé dans sa campagne, est de supprimer 120 000 postes durant son quinquennat, 50 000 dans la fonction publique d’Etat et 70 000 dans les collectivités locales. Pour l’heure, on en est loin : sur les deux premiers budgets, seuls 5 800 postes ont été supprimés. Les Français sont partagés. La moitié soutient cette idée, l’autre la rejette.

La disparition de services publics dans certains territoires a alimenté la crise des « gilets jaunes ». Comme l’a souligné François Bayrou, président du MoDem, une approche arithmétique « n’a aucun sens ». La priorité est de savoir quelle place et quels moyens on veut donner aux services publics. Question centrale à laquelle l’actuel projet ne répond pas.