La ministre de l’immigration et de l’intégration, Inger Stojberg, en janvier 2016. / EMMANUEL DUNAND / AFP

Impossible de dire combien ils sont, ni où ils se trouvent exactement. Mais dans le débat sur le retour des djihadistes danois partis combattre en Syrie ou en Irak, le gouvernement de centre-droit a décidé de hausser le ton, jeudi 28 mars. En plus de proposer une accélération de la procédure de déchéance de nationalité pour les combattants binationaux, la ministre de l’immigration et de l’intégration, Inger Stojberg, a souhaité que leurs enfants, nés dans les zones de combat, soient privés de la nationalité danoise.

Ce sont des enfants « nés de parents qui ont tourné le dos au Danemark et qui ne peuvent donc plus faire partie du Danemark », a justifié la très controversée ministre libérale. La mesure a été négociée dans le cadre d’un accord avec le Parti du peuple danois (Danske Folkeparti, DF), la formation nationaliste anti-immigrés, alliée du gouvernement au Parlement. Le député DF Christian Langballe, qui en revendique la paternité, estime que le royaume doit faire tout son possible pour empêcher le retour des djihadistes et de leurs enfants pour « protéger le Danemark ».

Le communiqué du ministère de l’immigration et de l’intégration reste cependant évasif sur la mise en place du dispositif. Evitant de rentrer dans les détails, il déclare seulement que « les enfants qui naissent à l’avenir dans des zones où il est illégal d’entrer ou de résister – contrairement à aujourd’hui – n’obtiendront pas automatiquement la citoyenneté danoise, si leurs parents danois y sont entrés en violation de l’interdiction ».

« Nous renforçons nos actions contre ces combattants »

Faute de temps, le texte ne pourra pas être voté avant les élections législatives, prévues avant le 17 juin. Son adoption dépendra donc de la prochaine majorité issue du scrutin. En tête dans les sondages, les sociaux-démocrates ont laissé entendre qu’ils n’y étaient pas opposés, même s’ils demandent des précisions sur le nombre d’enfants concernés. « Je veux savoir si cela fait vraiment une différence ou si c’est seulement un coup symbolique dans l’air », a expliqué la députée Astrid Krag.

L’accord passé entre le gouvernement et DF prévoit également de faciliter la procédure de déchéance de nationalité pour les binationaux. Il suffira désormais d’un arrêté administratif, et non plus d’une décision de justice, pour retirer leur citoyenneté aux combattants, y compris ceux qui se trouvent toujours à l’étranger, les empêchant ainsi de passer les frontières du royaume.

« Ces gens sont partis faire la guerre contre la démocratie, la liberté et tout ce que défend le Danemark, ils n’y ont leur place nulle part, a commenté Inger Stojberg. Avec cette nouvelle initiative, nous renforçons nos actions contre ces combattants qui ont agi en causant de graves dommages aux intérêts vitaux du Danemark. »

Une législation déjà durcie en 2016

Le royaume avait déjà durci sa législation en 2016, en criminalisant les départs pour des zones de conflit. Selon les services de renseignement, 150 Danois se sont rendus en Syrie et en Irak depuis 2012. Un tiers serait rentré. Treize ont été jugés, dont neuf binationaux qui ont été déchus de leur nationalité danoise et expulsés.

Les quatre autres, ne disposant que de la citoyenneté danoise, n’ont pu en être privés. C’est sur ce point que DF veut aller plus loin. Le parti fait campagne pour que le Danemark se retire de la Convention internationale relative au statut d’apatride, ce qui permettrait de déchoir de leur nationalité des ressortissants danois ne disposant d’aucune autre citoyenneté.

Convoqué au Parlement mercredi 27 mars, le ministre de la justice, le conservateur Soren Pape Poulsen, a estimé qu’une quarantaine de combattants danois seraient toujours en Syrie et en Irak, dont dix derrières les barreaux. Le royaume, a-t-il rappelé, « ne peut pas refuser aux ressortissants danois de rentrer au Danemark, ce qui vaut également pour les combattants ». L’idéal, selon le ministre, aurait donc été « qu’ils soient tués dans les combats, mais malheureusement cela ne s’est pas produit pour tous ».