Des drapeaux du Royaume-Uni et de l’Union européenne, devant le Parlement de Westminster, à Londres, le 28 mars. / NIKLAS HALLE'N / AFP

Ce devait être le jour du Brexit, ce sera, au mieux, le jour d’un nouveau sursis. Après avoir échoué à deux reprises à obtenir l’adhésion de la Chambre des communes sur l’accord négocié avec Bruxelles, Theresa May a décidé, vendredi 29 mars, de séparer le texte en lui-même de la déclaration politique qui l’accompagne pour convaincre les députés britanniques.

Contrairement aux deux précédents votes, en janvier puis en mars, cette courte déclaration censée poser les bases des relations futures entre l’Union européenne (UE) et le Royaume-Uni ne sera pas soumise à l’approbation des parlementaires. La loi britannique impose qu’elle le soit pour que l’accord soit valable, mais la première ministre espère obtenir un sursis en faisant adopter le traité de retrait dans un premier temps.

Conclu entre Londres et Bruxelles en novembre à l’issue de dix-sept mois de négociations fastidieuses, le document règle les questions de la frontière irlandaise, des droits des citoyens expatriés et la facture à régler par Londres. Légalement contraignant, il concentre moins les critiques que la déclaration politique en elle-même.

Respect de la procédure parlementaire

Cette séparation des votes permet à l’exécutif de contourner la règle soulevée par le président de la Chambre des communes, le désormais célèbre John Bercow, selon laquelle il est interdit de présenter une seconde fois, au cours de la même session parlementaire, un texte déjà rejeté. Ainsi amputée, « la motion est nouvelle, substantiellement différente, et en conformité avec les conditions posées », a estimé le speaker jeudi, en fin de journée. Mais l’opposition a condamné la manœuvre. « Vous ne pouvez pas séparer ces documents à moins de vous engager dans un Brexit à l’aveugle », a dénoncé le leader du Parti travailliste, Jeremy Corbyn.

Alors que les députés ne devaient pas siéger vendredi, le gouvernement a convoqué une session d’urgence qui doit démarrer à 9 h 30 (10 h 30 à Paris) avec un vote prévu à 14 h 30 à Westminster. Une urgence justifiée par le calendrier fixé par Bruxelles : les dirigeants européens avaient accepté la semaine dernière la requête de Mme May d’un court report du Brexit, prévu initialement le 29 mars, dans l’espoir qu’elle arrive à rassembler une majorité, et lui avaient offert deux options :

  • Soit l’accord est adopté cette semaine et la date du retrait britannique repoussée jusqu’au 22 mai, la veille des élections européennes ;
  • soit l’accord est rejeté et Londres aura jusqu’au 12 avril pour présenter une alternative et demander un nouveau report pour éviter une sortie brutale, sans accord, cauchemar des milieux économiques.

Une démission anticipée

Pour amener les rebelles de sa majorité à changer d’avis, la première ministre Theresa May a promis mercredi de céder sa place en cas de résultat favorable. Ce geste dramatique a convaincu certains brexiters de rentrer dans le rang. Son rival et ancien ministre des affaires étrangères, Boris Johnson, a annoncé son intention de soutenir le texte, de crainte qu’un nouveau rejet aboutisse finalement à l’annulation du Brexit. Il devrait notamment être imité par son collègue Jacob Rees-Mogg, l’influent chef de file du European Research Group, qui regroupe 60 à 85 députés.

Pour autant, la partie est loin d’être gagnée pour la dirigeante conservatrice, arrivée à la tête du gouvernement britannique au lendemain du référendum de juin 2016 qui avait décidé du Brexit. Son allié au Parlement, le petit parti nord-irlandais DUP, qui lui assure une majorité, a encore répété jeudi soir son opposition à l’accord. « Nous ne pouvons être d’accord avec un texte qui pose un risque stratégique à l’union » de l’Irlande du Nord et de la Grande-Bretagne, a déclaré la chef du DUP, Arlene Foster, dans une vidéo publiée sur Twitter.

En cause, les dispositions relatives au « backstop », ou filet de sécurité, qui prévoient, en l’absence d’autre solution, le maintien du Royaume-Uni dans une union douanière avec l’UE et un alignement plus poussé de Belfast sur les normes européennes, afin d’éviter le retour d’une frontière physique sur l’île d’Irlande. Mais dans ce cas, le Royaume-Uni devra sans doute prendre part aux élections européennes fin mai, une éventualité que Theresa May souhaite absolument éviter.

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