Le Conseil de sécurité, réuni le jeudi 28 mars. / LOEY FELIPE / AFP

La mobilisation mondiale contre le financement du terrorisme a franchi un nouveau palier, jeudi 28 mars, avec l’adoption à l’unanimité par le Conseil de sécurité des Nations unies (ONU) d’une résolution qui demande aux Etats membres de durcir leur arsenal législatif. Ces derniers doivent veiller à ériger « en infractions pénales graves (…) la fourniture ou la collecte délibérée, directe ou indirecte, de fonds, de biens financiers ou de ressources économiques ou financières directement ou indirectement, dans l’intention d’utiliser les fonds, ou sachant qu’ils le seront au bénéfice de personnes ou d’entités terroristes (…) même en l’absence d’un lien avec un acte terroriste précis ».

Placé sous le chapitre VII – qui autorise le recours à des sanctions en cas de non-respect des dispositions –, ce texte est le premier à adopter une approche globale et à « se pencher sur tous les aspects de la lutte contre le terrorisme et les nouvelles modalités de son financement », a souligné le ministre des affaires étrangères français Jean-Yves Le Drian qui présidait cette réunion.

L’ONU avait déjà adopté des trains de mesures à la suite des attentats du 11 septembre 2001 puis spécifiquement sur la question du financement de l’organisation Etat islamique (EI) et d’Al-Qaida en 2015. Si ce texte reprend les dispositions préexistantes, il les complète et identifie les moyens de tarir les sources de financement. « Cette résolution arrive à point nommé », a reconnu Vladimir Voronkov, haut responsable de l’ONU en charge du contre-terrorisme, car « les flux financiers continuent à parvenir aux terroristes par des moyens légaux et illégaux ».

Le moment est, de fait, crucial. La fin du « califat » autoproclamé de l’EI, ne doit pas conduire les états membres à baisser la garde. « Ce serait une erreur de croire que le terrorisme est vaincu », a insisté M. Le Drian. L’EI se mue désormais en réseaux clandestins et dépend de nouvelles sources de financement pour se relever.

Un risque d’entrave au travail des ONG

Les Etats membres sont donc appelés à créer des cellules de renseignement financier pour combattre l’entretien du terrorisme et à mieux coopérer avec le secteur privé. Ils doivent aussi agir contre l’anonymat des transactions à travers l’usage de cartes prépayées, services bancaires mobiles, cryptomonnaie, nouvelles start-up financières type TransferWise et MoneyGram et empêcher le paiement de rançons qui constituent la principale source de revenus pour l’EI.

Cette « doctrine de référence » pour la lutte contre le financement du terrorisme a suscité des raidissements au sein de la société civile qui y voit un risque d’entrave au travail des ONG sur le terrain et pour les droits humains. « Les mesures adoptées ne doivent pas fournir de nouveaux prétextes aux Etats les moins respectueux des droits humains et des libertés fondamentales pour réprimer toute opposition et cibler des groupes ou des individus facilement qualifiables de terroristes, a fortiori en l’absence de définition en droit international », souligne Stéphanie David pour la Fédération Internationale des droits de l’homme (FIDH). Deux paragraphes mentionnent toutefois l’obligation pour les Etats de respecter le droit international humanitaire et les droits humains fondamentaux. Mercy Buku, experte de la lutte contre le blanchiment d’argent, a elle aussi mis en garde contre une interprétation trop répressive du texte : « Les services bancaires mobiles sont le facteur qui contribue le plus au développement » notamment en Afrique subsaharienne, a t-elle défendu.

Le principal défi réside maintenant dans la mise en œuvre de ce texte par les Etats membres. Le président du GAFI (le groupe d’action financière, organisme intergouvernemental de lutte contre les circuits financiers illicites) Marshall Billingslea a souligné les disparités qui persistent « un cinquième des pays seulement applique les mesures de sanctions et engage des poursuites contre les responsables du financement du terrorisme ». « C’est un commencement, celui de la mise en œuvre », a reconnu M. Le Drian qui a appelé les Etats membres à être à la hauteur de leurs responsabilités.