Michel Platini, dans une vidéo tournée en 2016 à Nyon (Suisse). / AP

A six mois du terme de sa suspension, Michel Platini revient sur le devant de la scène. Radié jusqu’en octobre par les instances disciplinaires de la Fédération internationale de football association (FIFA) en raison de la fameuse affaire du paiement des deux millions de francs suisses (1,8 million d’euros), l’ex-président de l’Union des associations européennes de football (UEFA) a prononcé un discours, vendredi 29 mars, au siège des Nations Unies (ONU), à New York.

L’ancien numéro 10 des Bleus, 63 ans, était invité à participer au congrès annuel « Change The World », forum créé en 2000 par l’Associazione Diplomatici, une ONG italienne reconnue comme partenaire officiel de l’ONU.

Devant 3 000 étudiants issus d’une centaine de pays, Platini était convié à donner sa vision « romantique » du football et du « jeu », à l’instar de l’ex-joueur italien Marco Tardelli, son ancien coéquipier à la Juventus Turin, sacré champion du monde en 1982. A deux mois du congrès électif de la FIFA, organisé le 5 juin à Paris, et auquel son ex-bras droit à l’UEFA, Gianni Infantino, briguera un deuxième mandat, le triple Ballon d’or (1983, 1984, 1985) a profité de cette tribune pour promouvoir ses idées et occuper un terrain plus politique :

« Porté par la passion, le football s’est professionnalisé, il a conquis le monde et s’est organisé en clubs, en compétitions et même en institutions. Ce mouvement était nécessaire, il a rendu le football plus fort. Mais peu à peu, il a aussi oublié la beauté qui naît de la joie de jouer pour jouer. Sous le poids des enjeux, le football professionnel a eu tendance à minimiser ce qui est inutile dans ce simple plaisir du jeu.
Dans ce monde, est inutile ce qui n’est pas immédiatement rentable. Or ce qui est inutile, au sens mercantile du mot, est souvent beau. Le football moderne oublie parfois ce qui fait son essence : cette noble folie qui pousse l’homme à redevenir un enfant un instant, en jouant avec une balle de fortune en papier mâché ou en rêvant de buts imaginaires. »

« Le plaisir d’être ensemble autour d’un ballon »

Difficile de ne pas voir, dans ce discours, une critique des réformes initiées par Gianni Infantino, en quête de nouveaux revenus et qui soumettra, en juin, au vote du Congrès de la FIFA, le projet d’élargissement de la Coupe du monde de 32 à 48 équipes dès l’édition 2022, que le Qatar devra partager avec ses voisins.

« Je suis convaincu que ce qui appartient aux hommes, à tous les hommes : le rêve, la créativité, le jeu, le plaisir d’être ensemble autour d’un ballon sont plus fondamentaux que des millions de téléspectateurs, des milliers de contrats ou des centaines de victoires », a déclaré, au siège de l’ONU, Platini, mis hors de cause par la justice suisse, en mai 2018, dans l’affaire du paiement des deux millions de francs suisses reçus, en 2011, du Suisse Sepp Blatter, l’ex-président suspendu (1998-2015) de la FIFA.

« Je n’ai joué au football que pour jouer. Et croyez-moi, lorsque les hommes perdent le goût du jeu, ils s’abandonnent aux enjeux… de pouvoir, de territoires, d’argent et ils tournent le dos à la paix », a souligné l’ex-dirigeant, contraint par le comité d’éthique de la FIFA de jeter l’éponge, en janvier 2016, dans la course à la succession de son ex-allié et rival Sepp Blatter.

Positions affirmées sur l’arbitrage

Depuis plusieurs semaines, l’ex-capitaine de l’équipe de France a multiplié les interventions médiatiques. A défaut de pouvoir défier dans les urnes M. Infantino, son ancien secrétaire général à l’UEFA (2009-2016), il donne l’impression de vouloir le défier sur le terrain des idées.

Opposant historique à l’introduction de l’assistance à l’arbitrage vidéo (VAR), réforme phare du président de la FIFA, Platini avait envoyé un courrier, début mars, à Philippe Piat, président de la Fédération internationale des associations de footballeurs professionnels.

Dans cette missive, l’ex-meneur de jeu critiquait la décision de l’International Board, instance gardienne des règles du football, et de la FIFA de « sanctionner tous types de contacts des mains avec le ballon » et appelait les joueurs à prendre part au débat sur les « lois » du jeu.

« Nerf de l’arbitrage, l’interprétation tisse un lien capital avec le jeu. En réduisant sa part, les décisions rentrent dans des cases et le jeu avec elles. Une voie périlleuse est empruntée », écrivait Platini, enclin à réinvestir le terrain des idées avant le terme de sa suspension.