« Tu fais tes pirouettes, sois consciente de toi, ne regarde personne. » Dans son cours de danse classique, Michel Gascard distille des conseils entre deux exercices. Tous les élèves écoutent avec attention ce professeur, qui a créé à Lausanne (Suisse) l’école-atelier Rudra Béjart avec le chorégraphe Maurice Béjart en 1992. Il la dirige depuis 2007. Pendant ce cours, les premières et deuxièmes années sont mélangés, filles et garçons. Ils sont une quarantaine d’étudiants au total, âgés de 16 à 20 ans et venus des quatre coins du monde.

Parmi eux, le Français Erwan Jean-Pouvreau. Pour lui, comme pour ses camarades, être à Lausanne, dans cette école de danse installée dans le même bâtiment que la célèbre compagnie Béjart Ballet Lausanne – fondée également par Maurice Béjart en 1987 –, était un rêve. Un rêve de danse pas forcément toujours évident à assumer surtout quand on est petit, face aux moqueries – Erwan s’est arrêté de danser quelques années. Mais un rêve devenu réalité lorsqu’il a été sélectionné, avec une vingtaine d’autres, parmi quelque deux cents candidats.

« Nous ne venons pas ici uniquement pour parfaire notre technique, mais aussi pour comprendre qui nous sommes. Pour reprendre les termes de Maurice Béjart, Rudra, c’est une école de la vie », témoigne ce Parisien tout juste âgé de 20 ans en deuxième année de cursus. A Paris, Erwan Jean-Pouvreau partageait son temps entre les cours le matin, au lycée Racine, dans le 8e arrondissement de Paris, et le conservatoire de danse l’après-midi, où « nous n’avions que deux heures de danse par jour ». Il a obtenu un bac S.

A Lausanne, il travaille non-stop. Un rythme de grand sportif pendant les deux années de formation : dix heures de danse par jour, six jours sur sept, du classique, du moderne, mais aussi du théâtre, du chant, des percussions, et du kendo, un art traditionnel du sabre japonais. Cette pratique alliant souffle, posture, concentration, intériorité et tranché est enseignée trois fois par semaine. Elle est considérée comme l’un des piliers de Rudra, selon Michel Gascard. Les jeunes danseurs, qui tous ont l’impression d’appartenir à une même famille, partagent beaucoup, y compris en dehors de l’école. Ils participent également à des spectacles, en créent aussi.Un bon équilibre, pour le mental comme pour le physique. Et l’enseignement est gratuit – seul le logement n’est pas pris en charge.

« Ces deux années sont très riches, nous apprenons à nous adapter en permanence », explique Erwan. Les exigences des chorégraphes, dans le monde entier, sont de plus en plus importantes et l’objectif de Rudra est de pouvoir y répondre. Pour le jeune étudiant danseur, l’après-Rudra a d’ailleurs déjà commencé. Il a passé une audition pour une compagnie de danse en France. Il attend la réponse. Mais, à l’instar de tous les « rudristes » avant lui, il n’aura pas de mal à devenir danseur professionnel.