Theresa May à la Chambre des communes, à Londres, le 29 mars. / MARK DUFFY / UK PARLIAMENT / REUTERS

Jamais deux sans trois, dit le dicton. Et pourquoi pas quatre ? Alors que son accord de divorce avec l’Union européenne (UE) a déjà été rejeté par trois fois par les députés britanniques, la première ministre, Theresa May, n’enterre pas pour autant ce texte qu’elle défend depuis de long mois. L’hypothèse d’un quatrième vote reste en effet sur la table, selon plusieurs responsables de la majorité.

« La position du gouvernement est que nous pensons que la meilleure façon de respecter le référendum est de mettre en œuvre l’accord », a déclaré samedi à la BBC le président du Parti conservateur, Brandon Lewis. L’adoption du texte est censée permettre au Royaume-Uni de quitter le giron de l’UE avec une période de transition jusqu’à fin 2020, afin d’éviter une rupture trop brutale de liens tissés pendant quarante-six ans.

« Au moins nous nous dirigeons dans la bonne direction »,
estime un porte-parole de Mme May

Un tel vote devrait cependant avoir lieu avant le 12 avril, date limite théorique fixée par l’UE pour le Brexit en l’absence d’accord. Rien ne dit par ailleurs que le résultat serait différent des tentatives précédentes : vendredi 29 mars, les députés ont rejeté l’accord négocié par Mme May par 344 voix contre 286 – une marge cependant plus faible que les deux fois précédentes.

Plusieurs députés très eurosceptiques comme Boris Johnson, Jacob Rees-Mogg ou Dominic Raab ont finalement soutenu l’accord, changeant leur fusil d’épaule. « Au moins nous nous dirigeons dans la bonne direction », a déclaré à des journalistes un porte-parole de Mme May vendredi.

La difficile recherche d’une « autre voie »

Les députés doivent étudier lundi des scénarios alternatifs de sortie de l’UE, après avoir échoué mercredi à rassembler une majorité sur huit options qui leur étaient présentées. Devant les députés, la première ministre a assuré vendredi qu’elle continuerait à « plaider en faveur d’un Brexit ordonné », mais elle a reconnu aussi la nécessité de se mettre d’accord sur une « autre voie ».

Selon plusieurs quotidiens britanniques, Downing Street envisage de mettre les députés face à un choix : soit ils votent l’accord de Mme May, soit un projet alternatif qui recueillerait le soutien de nombreux députés lundi et pencherait pour un Brexit plus doux que le texte actuel.

Trois ans après la victoire du « leave », le Parlement reste très divisé

La chef du gouvernement espérerait ainsi convaincre les eurosceptiques de son parti conservateur de voter pour son accord de retrait, qu’ils rejettent jusqu’à présent car ils considèrent qu’il ne coupe pas suffisamment les liens avec l’UE. Près de trois ans après le référendum de juin 2016, qui avait vu le camp du « leave » l’emporter à 52 %, le Parlement reste très divisé et le sentiment de frustration domine dans la population.

Pour sortir de l’impasse, la députée conservatrice et ancienne ministre, Nicky Morgan, a évoqué l’idée d’un « gouvernement d’union nationale », une hypothèse rejetée par Brandon Lewis, qui estime que cela « ne change pas l’arithmétique parlementaire », les députés ayant été jusqu’à présent incapables de s’accorder sur le Brexit. Le leader du Labour, principal parti d’opposition, a lui appelé Mme May à démissionner.

Le « no deal », une « possibilité croissante »

De leur côté, les eurosceptiques font pression pour que le Royaume-Uni se détache de l’UE, quitte à partir sans accord. Des milliers de manifestants pro-Brexit, drapeaux britanniques en main, se sont rassemblés à Londres vendredi, jour où le pays était initialement censé quitter l’UE.

Faute d’accord approuvé par le Parlement, un « no deal » (sortie sans accord) le 12 avril, hypothèse qui affole les milieux économiques, reste le scénario « par défaut », a averti vendredi Mme May.

Le « no deal » est une « possibilité croissante », a déclaré le premier ministre irlandais, Leo Varadkar. Le rejet de l’accord « accroît très fortement les risques d’une sortie sans accord », a aussi réagi la présidence française, appelant les Britanniques à « présenter dans les prochains jours un plan alternatif (élections législatives, référendum, union douanière…) ».

Pour éviter cette sortie brutale, Mme May pourrait se résigner à demander un nouveau report, de plus longue durée, mais qui l’obligerait à organiser des élections européennes fin mai. Un sommet européen spécial a été convoqué le 10 avril.

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