Abdelaziz Bouteflika, le 28 avril 1999. / - / AFP

De tous les présidents algériens, Abdelaziz Bouteflika aura eu la plus grande longévité à la tête de la République algérienne démocratique et populaire. Une carrière à l’image de l’histoire du pays, tumultueuse.

Elu pour la première fois à la tête du pays en 1999, le président ne faisait plus que de rares apparitions en public depuis l’accident vasculaire cérébral dont il a été victime en 2013. Candidat à sa propre succession pour un cinquième mandat, en dépit de ses problèmes de santé, il aura été poussé vers la sortie par un mouvement populaire sans précédent. Des manifestations, déclenchées le 22 février, qui auront mis fin à vingt années de règne.

Né le 2 mars 1937 à Oujda, au Maroc, dans une famille modeste, Abdelaziz Bouteflika a eu plusieurs vies. Entré dans les rangs de l’Armée de libération nationale pour combattre la présence coloniale dès ses 19 ans, il y fera sa carrière à l’ombre du colonel Houari Boumediene, son mentor, qui lui permettra de se maintenir au ministère des affaires étrangères après le coup d’Etat du 19 juin 1965 contre le premier président Ahmed Ben Bella.

Restaurer la paix

Ecarté du pouvoir à la mort de Boumediene, le 27 décembre 1978, Bouteflika, promoteur d’un nationalisme ombrageux, revient en Algérie en 1987 après un court exil doré entre Genève, Paris et Abou Dhabi. Soucieux de rétablir les apparences de légitimité institutionnelle au sein d’un pays en guerre civile, le haut commandement militaire lui offre le poste de chef de l’Etat, qu’il accepte en 1999 après un premier refus.

« Boutef », comme on le surnomme, accède à la présidence de la République avec 75 % des voix, selon les chiffres officiels. Restaurer la paix sera la priorité de ce premier mandat. L’Algérie est alors exsangue. La guerre qui a opposé les groupes armés islamistes à l’armée a fait plus de 150 000 morts, 10 000 à 15 000 disparus. Soumis à un référendum le 16 septembre 1999, le projet de loi sur la concorde civile, qui pose le principe de l’amnistie pour les islamistes, hors crimes de sang, est approuvé à plus de 98 % des suffrages. Une autre consultation sur la réconciliation nationale sera à nouveau validée par 80 % des voix en 2004, après une réélection comme chef d’Etat, au premier tour.

Fin novembre 2005, Abdelaziz Bouteflika est hospitalisé à Paris, au Val-de-Grâce, officiellement pour un « ulcère hémorragique au niveau de l’estomac ». Trois ans plus tard, malgré une santé qui paraît chancelante, il fait sauter le verrou constitutionnel qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels. Le 9 avril 2009, dans l’indifférence générale, il est réélu avec un score de 90 % des voix.

Explosion de la corruption

Son troisième mandat sera marqué par une explosion de la corruption, son entourage se retrouve éclaboussé par divers scandales. Le chef de l’Etat disparaît de plus en plus souvent de la scène. Son état de santé s’aggrave subitement en avril 2013, lorsqu’il est victime d’un accident cardio-vasculaire. Une nouvelle fois, il est hospitalisé à Paris.

Le 18 avril 2014, après avoir été absent pendant la campagne, il est pourtant été réélu pour un quatrième mandat avec 81,5 % des voix, loin devant son principal rival Ali Benflis (12,1 % des suffrages) qui avait crié à la fraude.

A Marseille, le 3 mars. / GERARD JULIEN / AFP

Ces dernières années, ses apparitions publiques se faisaient de plus en plus rares. Les savantes mises en scène des services de communication de la présidence ne parvenaient pas à faire oublier l’état de grande fatigue du dirigeant, qui effectuait des séjours réguliers à l’étranger pour se faire soigner.

Début 2019, alors que la prochaine élection présidentielle approche, l’hypothèse d’une réélection est même évoquée. Le 10 février, à la stupeur générale, une lettre signée du président annonce qu’il sera officiellement candidat au scrutin d’avril. La colère populaire contre la perspective d’un cinquième mandat éclatera peu après.

Abdelaziz Bouteflika en 21 dates

2 mars 1937 Naissance à Oujda (Maroc).

1956 Il s’engage dans les rangs de l’Armée de libération nationale (ALN), la branche armée du Front de libération nationale (FLN).

1958 Devient le secrétaire particulier de Houari Boumediène.

1962 Indépendance de l’Algérie. Il devient ministre de la jeunesse.

1963 Nommé ministre des affaires étrangères par Ahmed Ben Bella, premier président de l’Algérie indépendante.

1965 Coup d’Etat militaire, le 19 juin, qui porte au pouvoir Boumediène. Bouteflika est maintenu à son poste.

1978 Mort du président Boumediène, le 27 décembre . Il est remplacé par Chadli Bendjedid. Bouteflika est progressivement écarté du pouvoir. Début d’une période de disgrâce.

1981 La Cour des comptes le poursuit pour malversation financière. Il quitte la politique et l’Algérie pour plusieurs années d’exil, notamment en France et en Suisse.

1987 Retour en Algérie.

1991 Le Front islamique du salut (FIS) remporte le premier tour des élections législatives en décembre. Le second tour n’aura jamais lieu.

1992 Coup d’Etat militaire qui décide d’interrompre le processus électoral. Début de la « décennie noire » qui fera entre 150 000 et 200 000 morts. Bouteflika se tient en retrait.

1999 Bouteflika est élu, le 15 avril, président de la République avec près de 75 % des voix, l’opposition dénonce des fraudes.

1999 Le référendum sur la loi de « concorde civile » est approuvé à plus de 98 %.

2004 Bouteflika est réélu, le 9 avril , avec près de 85 % des voix.

2008 Il fait modifier la Constitution pour supprimer la limitation à deux mandats présidentiels.

2009 Malgré un état de santé fragile, il est élu, le 9 avril , pour un troisième mandat avec plus de 90 % des voix.

2013 Bouteflika est victime d’un accident vasculaire cérébral et est hospitalisé à Paris.

2014 Réélu, le 17 avril, pour un quatrième mandat avec plus de 81 % des voix. Il prête serment en fauteuil roulant.

2015 Le général Mohamed Mediène dit « Toufik », puissant patron des services de renseignement, est limogé.

2019 Le 10 février, le président se porte officiellement candidat à sa réélection pour un cinquième mandat.

2019 Le 1er avril, après cinq semaines de manifestations, un communiqué de la présidence annonce qu’Abdelaziz Bouteflika démissionnera avant le 28 avril, date de la fin de son quatrième mandat.

Notre sélection d’articles pour comprendre la contestation en Algérie

Depuis le 22 février, le mouvement de protestation le plus important des deux dernières décennies en Algérie a poussé des dizaines de milliers de personnes dans les rues pour exprimer leur opposition à un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika, avant l’élection présidentielle prévue le 18 avril.

Retrouvez ci-dessous les contenus de référence publiés par Le Monde pour comprendre la crise qui traverse le pays :

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