FRANCE 2 - LUNDI 1ER AVRIL À 23 HEURES - MAGAZINE

Avec un peu de retard, « Stupéfiant ! », le magazine culturel de France 2, fait un pari osé, celui de prouver qu’il y a encore quelque chose à dire sur Karl Lagerfeld, alors que les hommages se sont multipliés au lendemain de sa mort, le 19 février, et sur Gabrielle Chanel, créatrice de l’empire qui porte son nom. Tout n’a-t-il pas déjà été montré, révélé ? « Stupéfiant ! » veut démontrer que « non », et propose lundi soir 1er avril une émission entièrement dédiée à Chanel avec trois sujets promettant de faire toute la lumière sur « les derniers jours de Karl Lagerfeld », « les derniers mystères de Coco Chanel » et « les derniers secrets du N° 5 », parfum best-seller de la marque. Le magazine rediffusera par ailleurs un entretien accordé par le « Kaïser » à Léa Salamé en janvier 2017.

« Les derniers mystères de Karl Lagerfeld » ne nous en diront pas forcément plus sur le personnage – bon client des médias par ailleurs –, que l’on ne sache déjà, mais il a l’intérêt de faire parler ses collaborateurs proches, personnages indispensables mais souvent peu connus, tels Caroline Lebar, directrice de l’image et de la communication de Lagerfeld et fidèle de Karl depuis trente-quatre ans ou encore Eric Pfrunder, très puissant directeur de l’image de Chanel et intime depuis leur entrée dans la maison, il y a trente-six ans. « Il m’entourait et je l’entourais aussi, dit-il, avec pudeur, il m’a apporté tellement de choses, ma petite tête a bougé, il fallait réfléchir. »

On entendra également la très influente journaliste de mode Suzy Menkes, Carla Bruni (dont la cuisine est ornée de photos du designer) et, bien évidemment, Inès de la Fressange (dont le regard triste dit beaucoup) évoquer « leur » Lagerfeld. Le ton est intime, grave et tendre.

Gabrielle

Plus originaux, les deux autres volets, sur Gabrielle Chanel et le N° 5 sont l’occasion pour la maison d’ouvrir des portes généralement closes, en premier lieu celles de l’appartement de Coco Chanel, rue Cambon, à Paris (1er), au-dessus de sa boutique, dont la visite est menée par la comédienne Anna Mouglalis, égérie de longue date de la maison.

Se dessine tout au long de ce segment une femme d’extraction très modeste, qui s’arrangea toute sa vie avec la vérité, devenue une créatrice visionnaire et une patronne redoutable, grande amoureuse (« une femme qui n’est pas aimée est une femme perdue ! », dit-elle à la caméra, féroce) mais éternelle célibataire. Passage obligé : ses rapports troubles avec l’occupant allemand pendant la guerre, et son antisémitisme notoire. On notera que cet épisode n’est pas survolé, bien au contraire.

La partie la plus intéressante de ce volet est filmée dans un lieu tenu secret, où est conservé le patrimoine Chanel. On y admire des pantalons, des marinières, des tailleurs en tweed, des petites robes noires… Tout ce qui constitue l’âme de la marque. La modernité des collections les plus anciennes est frappante.

Marylin

Le volet consacré au N° 5 revient quant à lui sur les origines de ce jus célèbre, créé en 1921 – notamment pour ringardiser ses concurrents, grâce à son flacon rectangulaire et transparent – et qui connut son apogée lorsque Marilyn Monroe déclara n’en porter que quelques gouttes pour tout pyjama. La voix, enregistrée lors d’une interview, appartient désormais à Chanel qui en a acquis l’exclusivité pour l’utiliser dans une publicité.

Tout a-t-il donc été dit sur Chanel ? Presque, il est vrai, mais l’ADN de cette marque, profondément inscrit dans l’histoire française et surtout étroitement lié à la personnalité de sa créatrice, continue de fasciner et de susciter la curiosité. « Stupéfiant ! » en joue et livre un quota honorable d’anecdotes, de bons mots, d’interviews rares et d’images propres à faire rêver.

En prime, un épisode de la « Brigade du stup », réalisé par l’incontournable Loïc Prigent, revient sur un époustouflant défilé Chanel de 1991 dans lequel on voit notamment des mannequins porter le jean et Helena Christensen faire valser sa veste pour dévoiler une poitrine simplement habillée d’un voile transparent. L’ensemble est d’une beauté, d’une élégance et d’une canaillerie folles.

« Stupéfiant ! », présenté par Léa Salamé (Fr., 2019, 90 min).