Joe Biden à Washington, le 31 mars. / Yuri Gripas / REUTERS

Joe Biden a beau repousser la décision de participer ou non à l’investiture démocrate pour la présidentielle américaine de 2020, il est déjà sur la défensive. Après une ex-élue du Nevada, une seconde femme, Amy Lappos, ancienne assistante d’un élu du Connecticut, a publiquement dénoncé, lundi 1er avril, des gestes amicaux jugés déplacés, en 2009. La première, Lucy Flores, l’avait mis en cause pour un baiser sur la tête qui l’avait prise au dépourvu au cours d’une réunion de campagne, en 2014. Une accusation jugée suffisamment sérieuse pour que l’ancien vice-président y réponde lui-même.

« Au cours de nombreuses années de campagne et de vie publique, j’ai donné d’innombrables poignées de main, accolades, expressions d’affection, de soutien et de réconfort », avait-il indiqué dimanche 31 mars, dans un communiqué. « Pas une seule fois, jamais, je n’ai pensé avoir agi de manière inappropriée », a-t-il poursuivi. « Si on suggère que c’est le cas, je vais écouter respectueusement. Mais cela n’a jamais été mon intention », avait ajouté Joe Biden.

L’ancien vice-président arrive régulièrement en tête des intentions de vote pour les primaires démocrates – ce que certains spécialistes de l’opinion considèrent plus comme la traduction de sa notoriété qu’une forte adhésion à sa personne ou à ses idées centristes. Dans ces enquêtes, qui n’ont encore qu’une très faible valeur prédictive, il devance pour l’instant le sénateur indépendant du Vermont, Bernie Sanders, les sénatrices Kamala Harris (Californie) et Elizabeth Warren (Massachusetts), et l’ancien représentant du Texas Beto O’Rourke, ainsi qu’une dizaine d’autres élus.

Effusions moquées

Cette notoriété est le produit de plus de quarante ans de vie politique, au Sénat puis dans l’ombre de Barack Obama. La longévité de l’ancien élu du Delaware lui confère une expérience incomparable, mais charrie aussi son lot de controverses. Son opposition de naguère à une politique de déségrégation des écoles dans son Etat, dans les années 1970, a déjà été rappelée par la presse, tout comme son attitude méprisante lors du témoignage d’une juriste qui avait accusé le futur juge à la Cour suprême Clarence Thomas de harcèlement sexuel, lors de l’audition de ce dernier par le Sénat, en 1991.

Les révélations des derniers jours mettent d’ailleurs en évidence des façons longtemps traitées avec une ironie mordante par les chroniqueurs politiques américains, prompts à moquer les effusions d’affection du démocrate. Longtemps classées comme des travers d’« oncle gênant », ces démonstrations ont pris un tout autre sens depuis l’émergence du mouvement contre le harcèlement des femmes.

La polémique à laquelle Joe Biden s’est efforcé de mettre un terme a mis l’accent sur l’une de ses faiblesses : son âge, 76 ans, même si Bernie Sanders est plus vieux que lui d’un an. Elle lui a rappelé qu’il ne disposera d’aucun passe-droit dans une compétition qui s’annonce particulièrement ouverte, alors que les élections de mi-mandat de novembre 2018 se sont traduites par un renouvellement en profondeur du Parti démocrate.

Nouvelles pratiques politiques

Joe Biden l’a d’ailleurs involontairement rappelé en s’entretenant avec une candidate afro-américaine battue de justesse pour le poste de gouverneur de Géorgie, Stacey Abrams, nourrissant une rumeur de ticket présidentiel, alors que le candidat à la vice-présidence est ordinairement choisi au terme des primaires. Joe Biden a démenti et Stacey Abrams a également publiquement écarté cette perspective.

L’ancien vice-président sait qu’il va devoir faire face en outre à de nouvelles pratiques politiques alors qu’il a livré sa dernière bataille électorale sous son nom en 2008, avec un piètre résultat puisqu’il avait été contraint de renoncer dès les caucus de l’Iowa, première étape des primaires. La diversification du financement des campagnes, grâce à la mobilisation des petits donateurs par les réseaux sociaux, relativise en effet l’étiquette de favori dont il espère profiter.

Devenu l’une des surprises de ce début de primaires par son agilité intellectuelle et accessoirement une improbable maîtrise du norvégien qui a frappé les esprits, le maire d’une ville modeste de l’Indiana, Pete Buttigieg, a ainsi annoncé lundi avoir récolté 7 millions de dollars depuis sa déclaration de candidature. Cette manne lui garantit probablement de pouvoir rester longtemps en course. Pete Buttigieg, qui s’affiche volontiers avec son mari, épousé en 2018, n’était pas encore né lorsque Joe Biden a été élu pour la première fois au Sénat, en 1972.