L’avis du « Monde » – à voir

La science-fiction comme allégorie politique. On se souvient que Rupert Wyatt, réalisateur britannique installé à Hollywood, était l’auteur, en 2010, de La Planète des singes : Les Origines, excellente surprise et préhistoire de la résurrection de la célèbre franchise adaptée et extrapolée à partir du postulat créé par le roman de Pierre Boulle. Captive State retrouve, huit ans plus tard, ce qui faisait les qualités de ce titre précédent, une manière de prendre au sérieux les conventions, de leur adjoindre savamment une dose d’influences exogènes et de les dépasser dans la conduite d’un récit qui ne cède pas tout à la tentation du spectaculaire.

Le film est le produit d’un scénario écrit par le cinéaste lui-même et sa compagne Erica Beeney. Wyatt revendique une influence, certes lourde mais dont ne peut que constater qu’elle a sans doute été bénéfique, celle du Jean-Pierre Melville de L’Armée des ombres (1969) et du Gillo Pontecorvo de La Bataille d’Alger (1971). Captive State est ainsi construit sur les règles du thriller politique appliqué à la science-fiction. S’y mêlent avec bonheur le décor familier de zones dévastées périurbaines avec diverses topographies futuristes.

Des cafards « législateurs »

La Terre a été envahie, quelques années plus tôt, par des extraterrestres, sortes de cafards géants et poilus conçus par le décorateur Keith Cunnigham et que l’on verra peu. Installés dans les sous-sols des grandes villes, les nouveaux maîtres, appelés les « législateurs », ont contraint les humains, gouvernés par des administrations jouant le jeu de la collaboration, à se soumettre à leur pouvoir. Ils ont mis au point une parfaite société de surveillance dans laquelle chaque individu peut être suivi et traqué par des drones grâce à des implants glissés sous la peau.

Captive State est un récit de résistance, un éloge paradoxal de la guérilla contre un pouvoir dictatorial et un Etat policier. Et c’est autour d’une poignée de personnages que s’organise un scénario qui s’attache à un jeune homme dont le frère fut une figure de la résistance et le héros d’un spectaculaire attentat survenu quelques mois auparavant, un policier chargé de traquer les insurgés et les conspirateurs, une mystérieuse prostituée lettrée qui reçoit ses confidences, ainsi qu’un groupe d’insurgés préparant un nouveau coup.

Un suspens efficace

L’interprétation de John Goodman, qui incarne le policier, leste son personnage d’un poids particulier, d’une mélancolie profonde qui prend au fur et à mesure de la progression du récit, tout son sens. L’intrigue s’organise autour de la description objective d’une action d’éclat, voulue comme une brèche symbolique dans le système implacable de contrôle que la nouvelle société à mis en place.

Le réalisateur parvient à maintenir un suspens efficace construit autour des agissements d’une poignée de personnages dont les actions vont tendre à la perpétration d’un assassinat. Les conditions concrètes de sa réalisation se mettront en place progressivement. Attentif à une certaine complexité, déterminée certes par le recours à des coups de théâtre divers, le film de Rupert Wyatt se signale par une manière de prendre son temps sans relâcher pourtant la tension. Une promesse dans le monde des songes infantiles inventés par les blockbusters du cinéma hollywoodien d’aujourd’hui.

CAPTIVE STATE (John Goodman, Vera Farmiga) - Bande-annonce VF
Durée : 02:32

Film américain de Rupert Wyatt. Avec John Goodman, Vera Farmiga, Ashton Sanders (1 h 49). Sur le Web : www.metrofilms.com/films/captive-state