Du mieux à court terme, mais un profil dégradé pour la fin du quinquennat. C’est ce qui ressort de la trajectoire budgétaire que Bercy doit présenter le 10 avril au conseil des ministres et envoyer dans la foulée à Bruxelles. Ce « programme de stabilité » remanié, conséquence de la crise des « gilets jaunes », et notamment des 10 milliards d’euros de mesures pour le pouvoir d’achat annoncées en décembre par Emmanuel Macron, a été détaillé par les ministres Bruno Le Maire (économie et finances) et Gérald Darmanin (action et comptes publics) dans une interview aux Echos daté du 3 avril.

Pour cette année, le déficit devrait être moins important qu’attendu, à 3,1 % du produit intérieur brut (PIB), contre 3,2 % annoncés en décembre. Et ce, en dépit d’une croissance moins dynamique (+ 1,4 %, au lieu des 1,7 % initialement prévus). C’est notamment la conséquence d’un déficit amélioré au titre de 2018 (2,5 %). Mais les deux locataires de Bercy ne détaillent toujours pas les économies (1 à 1,5 milliard d’euros évoqués en décembre) à réaliser pour y parvenir.

Le déficit devrait ensuite continuer à se résorber jusqu’en 2022 (2 % du PIB en 2020, 1,6 % en 2021 et 1,2 % en 2022). Mais on est loin de l’ambition d’il y a un an, où le gouvernement visait un budget quasi à l’équilibre en fin de quinquennat (– 0,3 point de déficit).

Surtout, la dette publique de la France devrait continuer à augmenter cette année, pour atteindre 98,9 % du PIB. Et si elle est censée ensuite s’éloigner de la barre des 100 % du PIB, elle plafonnerait à 96,8 % en 2022. Pas de quoi, donc, tenir la promesse du gouvernement de faire baisser la dette de cinq points de PIB sur le quinquennat : elle devrait seulement refluer de 1,6 point. « Nous gardons notre ambition de baisser de cinq points la dette publique : si la croissance se redresse, une partie des fruits de cette croissance ira au désendettement du pays », a précisé M. Le Maire.

Question des niches fiscales

Le gouvernement parvient en revanche à aller plus loin sur la baisse des prélèvements obligatoires (– 1,4 point en cinq ans contre 1 point promis), conséquence des baisses d’impôts annoncées fin 2018. Ce scénario intègre la suppression de la hausse de la taxe carbone, mais ne tient pas compte des éventuelles mesures qui pourraient être décidées à l’issue du « grand débat ».

« On ne pourra pas baisser tous les impôts, il faudra choisir, sinon nous aurons un problème de comptes publics », a prévenu M. Darmanin.

« On ne pourra pas baisser tous les impôts, il faudra choisir, sinon nous aurons un problème de comptes publics », a prévenu M. Darmanin. « Finançons les réductions d’impôts par la baisse de la dépense publique, et non par des mécanismes de redistribution qui feraient nécessairement beaucoup de perdants », a abondé M. Le Maire. Ce dernier a toutefois reconnu que les baisses d’impôts doivent cibler « en priorité » les classes moyennes.

Une réponse aux députés qui ont débattu mardi soir dans l’Hémicycle, durant trois heures et demie, de fiscalité et de dépenses publiques. Les députés LRM avaient proposé, en fin de semaine dernière, de financer l’allégement des deux premières tranches de l’impôt sur le revenu par le plafonnement de certaines niches fiscales pour les plus aisés.

L’exécutif semble prêt à regarder ce sujet des niches fiscales. Mais pas n’importe laquelle. Selon nos informations, le débat continue à Bercy. Certains plaident pour un plafonnement de la niche sur les services à la personne (emploi à domicile), la plus lucrative (près de 5 milliards d’euros par an), au risque pour certains de gonfler le travail au noir. D’autres ciblent la niche sur le gazole non routier (GNR), un carburant utilisé par les TPE-PME du BTP.

Précipitation

Plus technique, elle semble moins sensible politiquement mais permettrait d’économiser un milliard d’euros. Précisément le coût d’une baisse du taux marginal des premières tranches de l’impôt sur le revenu, afin de lisser sa progressivité. « Il faut vérifier l’efficacité des niches fiscales. Mais [supprimer celles] sur les services à domicile, c’est une mauvaise voie. On ne va pas récupérer grand-chose, et on va inquiéter beaucoup de Français », estime une source à Bercy.

« La proposition [des députés LRM] est intéressante. Si le Parlement, d’ici le PLF, fait un travail d’évaluation des niches, nous sommes d’accord pour [revoir celles] dont vous considérez que c’est une optimisation [fiscale] indue », a indiqué M. Darmanin mardi soir aux députés de la majorité.

L’exécutif avait renoncé à la suppression de la niche GNR, dans le sillage de l’abandon de la hausse de la taxe carbone, début décembre. La remise en cause de cet avantage fiscal avait déclenché une fronde de l’opposition et des petits patrons du BTP concernés. Elle n’avait été annoncée qu’en septembre, pour une disparition prévue au 1er janvier, alors qu’elle impliquait une hausse de 50 % du carburant dans un secteur où des alternatives de véhicules « propres » ne sont pas facilement disponibles.

Une précipitation que Bercy jure de ne pas reproduire : « On peut imaginer reverser une certaine somme [aux contribuables] pour investir dans des machines hybrides [plus propres], et faire disparaître cette niche progressivement, sur dix-huit mois. Les couperets, ça ne marche pas. Mais fixer une perspective de baisse d’impôts en échange d’une suppression progressive de niches fiscales, cela a du sens. »