Il s’agit d’une nouvelle étape du bras de fer engagé par Bruxelles avec les autorités de Varsovie, avec le soutien de la plupart des Etats membres de l’Union, inquiets de dérives jugées autoritaires des conservateurs nationalistes au pouvoir en Pologne.

La Commission européenne a lancé, mercredi 3 avril, une procédure d’infraction contre le gouvernement polonais, visant cette fois un régime disciplinaire des juges récemment adopté en Pologne, qui « n’offre pas les garanties nécessaires pour les protéger du contrôle politique ». La Pologne dispose, désormais, de deux mois pour répondre à ces reproches, a précisé l’exécutif européen lors de l’annonce de cette phase préliminaire de la procédure. Celle-ci peut aller jusqu’à une saisine de la justice européenne et in fine aboutir à d’importantes sanctions financières.

« Le principal objectif de ce régime disciplinaire est, comme pour le reste de la réforme judiciaire, de soumettre systématiquement les juges au contrôle politique » du gouvernement, a fustigé le premier vice-président de la Commission, Frans Timmermans, devant la presse. Le numéro 2 de l’exécutif européen a souligné que des enquêtes disciplinaires avaient ainsi déjà été lancées contre des juges « qui ont participé à des débats publics sur la réforme judiciaire en cours » en Pologne. La vaste réforme du système judiciaire polonais est, en particulier, perçue comme une tentative de mise au pas du pouvoir judiciaire par le parti Droit et justice (PiS) au pouvoir.

« Violation grave »

La Commission a déjà lancé deux autres procédures d’infraction contre Varsovie, dont l’une en juillet 2017 sur sa réforme des tribunaux ordinaires qui avait donné lieu à des protestations en Pologne, et l’autre en juillet 2018 concernant sa réforme de la Cour suprême. Dans ces deux cas, l’absence de réponses satisfaisantes de Varsovie a conduit à une saisine de la Cour de justice de l’UE.

Ces procédures d’infraction sont menées en parallèle à une procédure plus lourde et plus exceptionnelle, dite de « l’article 7 » du traité sur l’UE, déclenchée par la Commission en décembre 2017 également. Ce mécanisme, prévu en cas de risque de « violation grave » de l’Etat de droit dans un pays, n’avait alors jamais encore été déclenché dans l’Union. Mais il a été depuis également activé contre la Hongrie de Viktor Orban, le 12 septembre, cette fois par le Parlement européen.

Cette procédure, souvent qualifiée d’« arme nucléaire » institutionnelle au sein de l’UE, peut aller en théorie jusqu’à retirer les droits de vote d’un pays au sein du Conseil de l’Union, l’instance regroupant les Etats membres. Mais cette issue semble improbable, car il faudrait obtenir un vote à l’unanimité des autres pays membres contre celui qui est visé. Et Budapest et Varsovie ont clairement annoncé leur intention de faire bloc pour empêcher toute sanction.

Par ailleurs, la Commission européenne a adressé mercredi un sévère avertissement à la Roumanie sur sa réforme controversée du système judiciaire, menaçant d’user « tous les moyens à sa disposition » si elle était adoptée.