Le plus grand conservatoire de semences du monde est russe et le 11 avril, c’est près de Lyon qu’il va ouvrir sa première antenne à l’étranger et contribuer à faire revivre des légumes et des végétaux de culture oubliés. La station de conservation de l’institut Vavilov qui collectionne à Saint-Petersbourg et depuis 1894 des semences du monde entier a été mise sur pied avec des partenaires français dans la commune de Charly (Rhône) sur un terrain sécurisé de quatre hectares.

Sa création a pour enjeu de « développer au maximum la biodiversité cultivée », de manière à repérer les plantes résistantes à la sécheresse et aux maladies a indiqué à l’Agence France-presse (AFP), Benjamin Canon, du fonds pour la diversité biologique De Natura, coordinateur de ce projet qui réunit entreprises, associations, collectivités ainsi que les fondations du Crédit agricole.

« Variétés résistantes aux maladies »

L’institut russe Vavilov conserve et reproduit quelque 350 000 variétés de graines. Il organise la redistribution gratuite de ce patrimoine génétique fruitier ou légumier dans plusieurs pays, y compris dans les lieux d’origine d’où il avait parfois disparu. C’est ainsi que le chou quintal, délicieux dans la potée auvergnate, a été réintroduit l’automne dernier en Haute-Loire. Aussi, à l’occasion de l’ouverture de cette nouvelle antenne, trois variétés végétales seront solennellement semées : le maïs de Bresse, tout droit sorti du XVIIème siècle, un tournesol russe très mellifère à plusieurs tiges et plusieurs fleurs et un haricot grimpant.

« Nous avons choisi des variétés résistantes aux maladies, qui attirent les insectes auxiliaires », dont la fonction est de protéger l’écosystème contre les insectes dits « ravageurs », a indiqué à l’AFP Stéphane Crozat, ethnobotaniste, fondateur du Centre de Ressources de Botanique Appliquée (CRBA) à Lyon et responsable scientifique du projet.

« Diversité oubliée »

Avec un budget de 400 000 euros par an, la station comprendra un centre de documentation, une pépinière et une boutique. Par ailleurs le projet prévoit le lancement de 15 jardins connectés dans différentes villes de France et destinés à sensibiliser le grand public aux enjeux de la biodiversité. Le premier de ces jardins conservatoires avait été inauguré dès 2016 sur le site du siège du groupe Seb à Ecully. D’autres ont fleuri, comme à la Chartreuse de Neuville près du Touquet, ou sont en germe, comme à Lille.

« Le volet pédagogique autour de Vavilov est crucial », souligne à l’AFP Benoît Lambrey, directeur général de la deuxième entreprise de paysage française, Tarvel, et président de De Natura, passionné de biodiversité végétale et animale. « La seule solution pour faire face au réchauffement climatique est de multiplier au maximum la diversité végétale et les résistances des plantes », ajoute Stéphane Crozat. Or, depuis la deuxième guerre mondiale, les semenciers et l’agriculture industrielle ont fait des choix contraires. « En ne faisant progresser que les rendements, ils ont spécialisé la génétique, et oublié la diversité », relève-t-il.

Adaptation au climat

Selon la FAO, l’agence des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, 80 % de la ressource génétique cultivée a disparu en 70 ans. Il est donc urgent d’agir selon M. Crozat : « le changement climatique va beaucoup trop vite, les plantes ont déjà du mal à s’adapter » estime-t-il, en citant l’avancée d’un mois de la floraison de certains végétaux qu’il constate en région lyonnaise. « L’été dernier, tous les maïs et les courgettes qui ont des besoins en eau similaires n’ont pas pu supporter la sécheresse, certains ont fleuri mais n’ont pas fructifié, les végétaux n’arrivent pas à suivre » a ajouté M. Crozat.

Son association CRBA avait déjà réintroduit, avec des maraîchers de la région, des variétés de haricots locales, comme le beurre du Mont d’or, retrouvé en Russie, alors qu’il avait été créé par le semencier Rivoire en 1850. Les botanistes vont maintenant comparer les espèces en les faisant pousser en France et en Russie avec les mêmes protocoles pour suivre leur comportement et leur adaptation aux maladies et au climat, et leurs qualités nutritionnelles.