Amandine Henry et l’équipe de France, le 1er avril, à Clairefontaine. / GONZALO FUENTES / REUTERS

A 29 ans, Amandine Henry est une pièce essentielle de l’équipe de France féminine de football, dont elle porte le brassard de capitaine. Elle est également l’une des meilleures joueuses du monde, comme le montre son classement (7e), au premier Ballon d’or féminin, décerné en décembre 2018. Alors que la France affronte le Japon, jeudi 4 avril à Auxerre, en match préparatoire de la Coupe du monde, la milieu de terrain affirme les ambitions des Bleues.

En club, à Lyon, vous êtes habituée aux titres, avec notamment cinq Ligue des champions. Mais en équipe nationale, jusqu’à présent, vous courez toujours après un succès. Comment l’expliquer ?

Il ne faut pas comparer les deux, car, à Lyon, nous avons beaucoup de joueuses étrangères. En équipe de France, c’est vrai que l’on a jusqu’à présent toujours manqué cette dernière marche. Je pense pourtant que l’on a autant de qualités qu’en club.

Les Bleues n’ont jamais joué une finale de grande compétition. Cela fait plusieurs fois que vous êtes éliminées en quarts de finale. Cette année peut-elle être la bonne, à domicile ?

Bien sûr, sinon on ne serait pas là. Cela ne sert à rien d’y aller si on ne pense pas pouvoir gagner. Ça va le faire… Nous sommes assez préparées, nous avons le talent, l’expérience, les capacités et l’environnement. On a tout pour nous, sans compter la motivation supplémentaire de jouer devant notre public, nos familles et nos proches. En revanche, nous ne sommes pas du genre à nous monter la tête. On reste humbles.

L’exemple des Bleus, champions du monde en Russie, vous inspire-t-il ?

C’est positif. On va essayer de surfer sur la vague. C’est énorme ce qu’ils ont fait, l’émotion que cela a pu procurer. Nous avons envie de rééditer la même chose.

L’Euro 2017 aux Pays-Bas, avec une élimination en quarts de finale par l’Angleterre (1-0), est-il votre plus mauvais souvenir avec les Bleues ?

Lorsque l’on se fait éliminer, c’est toujours dur. Une élimination reste une élimination et puis l’Angleterre, ce n’est pas n’importe qui. Aux Pays-Bas, nous avions connu un premier tour difficile, mais regardez les garçons en Russie, cela a été pareil au premier tour et on connaît la fin.

En septembre 2017, à son arrivée, la première décision de la sélectionneuse, Corinne Diacre, a été de vous confier le brassard de capitaine. Quel bilan en tirez-vous ?

C’est une grande fierté de porter ce brassard qui engendre beaucoup de responsabilités. Je prends de plus en plus confiance. Je fais attention à bien relayer les messages entre les joueuses et la coach.

Quand je vois Hugo Lloris, Didier Deschamps ou Zinédine Zidane, ils ont tous été capitaine avec des personnalités très différentes. Certains sont des leaders de terrain, d’autres de vestiaires et certains en imposent juste par leur présence.

J’essaie de piocher chez l’un, chez l’autre et de créer mon propre modèle. Je ne suis pas quelqu’un qui parle énormément, mais je pense avoir du caractère sur le terrain et montrer l’exemple par mon comportement.

A propos de Corinne Diacre, quels sont les premiers mots qui vous viennent à l’esprit ?

La rigueur, beaucoup, beaucoup de rigueur. Et puis, ce sont des objectifs sans arrêt, même les plus petits. Avec elle, on monte en exigence, même quand c’est bien, elle en veut toujours plus. On ne doit pas se contenter de ce que l’on sait faire.

Comment cela se passe-t-il entre le groupe et elle ?

Il y a beaucoup d’échanges. Au début, c’est normal, quand on est coach, on jauge son groupe, on met des règles en place et puis, on prend confiance. Les joueuses aussi d’ailleurs. Elle va nous écouter plus pour une requête spécifique par exemple, mais il n’y a jamais de laisser-aller.

Vous avez joué dix ans à Lyon et connu une expérience américaine, à Portland, pendant un an et demi (2016-2017). Puis, vous avez fait une courte pige au PSG (prêtée pendant deux mois par Portland). Pourquoi être revenue à Lyon ?

Quand j’ai fini ma première saison avec Portland, je venais de me faire opérer d’une pubalgie et l’OL avait déjà son effectif. Je pouvais apporter de l’expérience au PSG. Mais, ensuite, il me fallait revenir en France en vue du Mondial. Jean-Michel Aulas [le président de l’OL] a été très convaincant. Puis, le club, avec ce palmarès, parle de lui-même.

Qu’avez-vous retenu de votre expérience américaine, le vrai pays du soccer féminin…

Il y a un vivier immense, c’est comme si c’était l’Europe entière. C’est le premier sport que pratique une jeune fille là-bas. La culture est différente. Personne ne s’étonne aux Etats-Unis qu’une fille puisse jouer au football. Dans mon club des Thorns, l’engouement était exceptionnel avec 18 000 spectateurs de moyenne.

Vous êtes l’une des joueuses les mieux payées au monde. La question salariale dans le football au féminin se pose-t-elle toujours ?

Maintenant, beaucoup de footballeuses peuvent vivre de leur passion, ne plus penser qu’au terrain et plus au travail après l’entraînement. Que les salaires augmentent, c’est une preuve de confiance.

Votre premier club était 100 % féminin. En Division 1, seul Soyaux (Charente) l’est encore. Est-ce un modèle en voie de disparition ?

J’ai débuté avec les garçons quand j’étais toute jeune. Ensuite, j’ai rejoint le centre national de formation et d’entraînement à Clairefontaine. J’étais en internat la semaine et je jouais avec mon club d’Hénin-Beaumont le week-end. C’est l’ordre des choses. Je ne pense pas que ces clubs entièrement féminins vont s’éteindre. Ils vont nouer des ententes avec de plus gros clubs. Mais l’histoire qui est déjà écrite le restera.

Vous avez débuté en première division en 2004 à l’âge de 15 ans. Vous en avez 30 et avez vu votre sport changer. Que dites-vous aux nouvelles joueuses qui arrivent ?

On échange beaucoup. Elles sont conscientes de la chance qu’elles ont. Il y a eu des pionnières avant nous, qui n’ont pas eu la chance que l’on peut avoir : les infrastructures de qualité (vestiaires, terrains), ou encore la médiatisation, le professionnalisme en somme.

On voit apparaître de plus en plus d’agents auprès de jeunes joueuses, même pas encore professionnelles. Ne craignez-vous pas les dérives que peut connaître le football masculin ?

Il faut être très bien encadrée, avoir la tête sur les épaules et ne penser qu’au football. Le rôle des parents, des proches mais aussi des clubs est de faire attention à ces jeunes.

Y a-t-il encore des améliorations possibles ?

Je suis super contente des conditions que l’on a, mais, bien entendu, on peut toujours mieux faire, notamment au niveau financier, ou par exemple pour avoir un championnat encore plus homogène. Avec le temps, il y aura encore de l’évolution. C’est à nous de travailler pour les générations futures.