Pour les « Dragonnes », cette page reste à noircir. Autant, les chapitres de l’histoire nationale des handballeuses de Metz sont bien remplis, autant, au plan européen, les Messines ont encore tout à écrire. Si, auréolées de 22 titres nationaux en trente ans, elles survolent le championnat national, elles aspirent désormais à figurer dans le gratin européen – et se hisser dans le dernier carré de la Ligue des champions, la compétition reine.

Cette saison pourrait être la bonne. Vendredi 5 avril, l’équipe va devoir démontrer qu’elle est à l’heure à son rendez-vous : elle affronte, en Roumanie, le CSM Bucarest en quarts de finale aller de la Ligue des champions. Les Messines parviennent à ce stade de la compétition pour la troisième fois d’affilée. Franchir ce cap, l’objectif qu’elles se sont fixé en début de saison, constituerait une première pour un club français.

Les joueuses d’Emmanuel Mayonnade sont résolues à ne pas revivre leur désillusion de la saison passée face au club de la capitale roumaine : elles avaient coulé au match aller (34-21). « On a pris un an de plus, ensemble, et pour cette équipe jeune, ça n’a pas de prix », assure l’entraîneur messin, synthétisant l’état d’esprit du club et ce qui fait sa force : il a forgé son histoire « petit à petit, sans brûler les étapes », résume son président, Thierry Weizman.

Sauvetage collectif

Tout a commencé – ou presque – avec l’arrivée aux manettes d’Olivier Krumbholz, actuel sélectionneur de l’équipe de France féminine. Ancien joueur du cru, il prend la direction de la section féminine de l’ASPTT Metz en 1986. « Olivier a insufflé le professionnalisme à Metz et dans tout le hand féminin, relève Thierry Weizman. Il a exigé de tout le monde, y compris des bénévoles, une approche professionnelle. » Trois ans après l’arrivée de celui qui deviendra l’« alchimiste des Bleues », le club décroche son premier titre de champion de France.

« Plus encore que ses titres, la plus belle réussite de Metz est sa stabilité », souligne Olivier Krumbholz, saluant la « sagesse » de Thierry Weizman. « Ce n’est pas facile, parce que face à une concurrence ambitieuse, la tentation peut être grande de vouloir à tout prix construire une très grosse équipe, et de dépenser un peu plus que ce que l’on a. »

Le club connaît ces risques. Au printemps 2005, après avoir contracté une dette d’1,4 million d’euros, il a frôlé la relégation. Voire la disparition. Ancien joueur devenu médecin du club, Thierry Weizman est alors nommé président. « Je devais rester dix jours, le temps de mettre le club en liquidation et de signer les papiers », relate-t-il. Quatorze ans plus tard, il est encore en poste.

Si le sauvetage du club a été collectif – des départs de gros salaires, et des arrivées de nouveaux partenaires –, « les joueuses ont sauvé ce club qui fait partie de l’ADN de la ville », rappelle Dominique Gros, le maire (PS) de Metz, mettant en avant Isabelle Wendling. Fille du club lorrain, l’ancienne pivot de l’équipe de France a lancé, avec Olivier Krumbholz, un appel à souscription dans Le Républicain lorrain. Le club a récolté 70 000 euros, loin de la somme requise, mais assez pour montrer l’attachement de son public et lancer sa remontée.

Sauvé in extremis, Metz Handball, club associatif, qui s’appuie sur plus de 160 partenaires privés – en sus des subsides municipaux – a retenu la leçon. Dans un sport où des acteurs ambitieux peuvent rapidement monter des équipes compétitives, le club est resté constant. « J’ai vu arriver tout un tas de clubs en France. Les clubs passent, mais Metz est toujours là, savoure M. Weizman. Ce qui nous intéresse, c’est la pérennité. »

« Aujourd’hui, elles savent à quoi s’attendre »

Reste à s’asseoir à la table des grandes équipes européennes. A cette échelle, l’ogre du handball français pèse peu face aux grosses cylindrées de l’Est de l’Europe, comme Györ (Hongrie), Rostov (Russie), Buducnost (Monténégro), ou Bucarest. Tous disposent de moyens sans commune mesure avec ceux de Metz : leurs budgets représentent jusqu’au triple des 2,6 millions annuels messins, ces équipes peuvent attirer les meilleurs talents du continent.

Pour les concurrencer, Metz table sur l’un des meilleurs centres de formation d’Europe. Sept joueuses ont été forgées dans le moule messin et si l’équipe est jeune, Grace Zaadi, Orlane Kanor ou Laura Glauser forment l’ossature de l’équipe de France, championne du monde et d’Europe.

Cette année, les Messines abordent les quarts de finale de la Ligue des champions en ayant dominé les phases de groupes. « Il y a deux ans, elles ont découvert les quarts de finale, l’an passé, elles ont perdu à l’extérieur, aujourd’hui, elles savent à quoi s’attendre, estime Nodjialem Myaro, ancienne joueuse du club, devenue présidente de la Ligue féminine de handball. Elles ont accumulé de l’expérience pour pouvoir enfin passer ce cap. »

A Bucarest, l’enjeu est de conserver toutes les chances pour le match retour. A domicile, les « Dragonnes » sont invaincues depuis près de deux ans en compétition européenne.