Le fondateur et PDG de Snapchat, Evan Spiegel, à Los Angeles, jeudi 4 avril, présente les nouveautés de l’application. / Neilson Barnard / AFP

A l’occasion d’un événement qui se tenait, jeudi 4 avril à Los Angeles, Snapchat, l’application aux 186 millions d’utilisateurs actifs quotidiens, a annoncé le lancement d’un nouveau service de jeux vidéo. Le titre phare, Bitmoji Party, est un jeu multijoueur développé au niveau interne. Jusqu’à 32 personnes, représentées par leurs avatars utilisés dans Snapchat, peuvent s’y défier dans une série de courtes épreuves tout en discutant, grâce au chat ou par la voix. Le but ? Recréer l’ambiance d’une partie disputée dans la vie réelle autour d’une console de salon.

La société a aussi fait appel à des studios extérieurs pour enrichir son offre, dont certains ont déjà connu de beaux succès dans le jeu mobile, tels Zynga (FarmVille) ou Game Closure (EverWing). Pour Snapchat, qui veut se positionner avant tout comme une application de communication entre amis, le jeu vidéo constitue une prolongation naturelle de sa messagerie : une expérience de partage, tout comme les échanges de messages ou de photos.

Partenariats avec Netflix et Tinder

Si la compagnie a également révélé le nom de dix nouveaux « Snap Originals » – ces séries vidéo tournées au format vertical –, de nombreuses annonces étaient plus spécifiquement tournées vers les partenaires de Snapchat. Ainsi, des nouveaux outils ont aussi été promis pour faciliter la création, par des contributeurs extérieurs, de « lenses », ces animations en réalité augmentée qui ont fait la popularité de Snapchat.

Snap permet désormais de créer des effets plus perfectionnés, permettant d’animer quelques bâtiments illustres (la tour Eiffel, Buckingham Palace…)

En un an et demi, 400 000 ont déjà été lancées, visionnées plus de 15 milliards de fois. Snap permet désormais de créer des effets plus perfectionnés, épousant le mouvement d’un corps ou d’une main, ou permettant d’animer quelques bâtiments illustres (la tour Eiffel, Buckingham Palace…) quand l’utilisateur se trouve devant eux. Persuadé de disposer de la meilleure application de capture d’images, Snap met ainsi à disposition des développeurs le fruit de ses recherches en réalité augmentée pour pouvoir proposer des contenus toujours plus riches.

Les annonceurs n’ont pas été oubliés. D’abord, parce que tous ces nouveaux contenus et outils doivent leur permettre de diffuser, dans de nouveaux espaces et sous de nouveaux formats innovants, leurs campagnes auprès d’une population, très majoritairement jeune. Ensuite, parce que Snap va désormais étendre sa présence, et donc sa visibilité, au-delà de son application, en proposant par exemple des boutons de partage au sein de sites comme Netflix, mais aussi en permettant d’exporter des contenus Snapchat chez des partenaires. Un utilisateur Tinder aura la possibilité, dès cet été, d’importer ses « stories » sur le site de rencontre pour agrémenter son profil.

Convaincre les annonceurs

Autant d’arguments qui sont censés convaincre les annonceurs de ne pas se détourner de Snapchat au profit de concurrents ayant une audience bien supérieure, à commencer par Instagram, qui, en imitant beaucoup de ses formats, a réussi à conquérir 500 millions d’utilisateurs actifs quotidiens. L’enjeu est majeur pour une société qui, si elle a dégagé en 2018 un chiffre d’affaires supérieur à un milliard de dollars (890 millions d’euros) – fait inédit –, continue d’afficher des pertes élevées. En outre, la compagnie a été pour la première fois confrontée l’an passé à une baisse de ses audiences, qu’elle a depuis réussi à endiguer. Elle fonde désormais beaucoup d’espoir sur la refonte de son application sur Android pour relancer ses audiences à l’échelon international.

Les annonces de jeudi sont-elles susceptibles de lui donner un nouvel élan ? Le pari du jeu vidéo soulève des questions. Pour cette application dont beaucoup peinent déjà à définir l’objet principal (messagerie, distribution de contenu, outil de réalité augmentée… ?), ce nouvel ajout risque de brouiller encore le message.

Jared Grusd, le responsable de la stratégie de l’entreprise, préfère, lui, envisager ces annonces comme « un tout ».

« Ce qu’il faut comprendre, c’est que Snap est plus qu’une simple application, c’est une plate-forme qui crée de la valeur à plusieurs niveaux : contenus, communication, réalité augmentée, jeux vidéo. C’est ce mix qui mène à un produit révolutionnaire. »

Aujourd’hui, Snap s’envisage surtout comme le cœur d’un écosystème où chacun trouverait son intérêt – « des utilisateurs qui aiment le produit, des créateurs qui vont vers Snap pour la visibilité et les revenus qu’ils en retirent, des annonceurs qui peuvent faire résonner leur message auprès des utilisateurs et, si possible, engendrer des ventes ». Reste à voir si les utilisateurs, et les partenaires de Snap, s’y retrouveront. Si tel n’était pas le cas, la société, encore fragile économiquement, irait au devant de grandes difficultés.