La tête de liste du Parti socialiste et de Place publique, Raphaël Glucksmann, le 6 avril à Toulouse. / PASCAL PAVANI / AFP

C’est le test du terrain après le crash. Dans une salle du stade Ernest Wallon, le temple du Stade toulousain, à Toulouse (Haute-Garonne), il fallait montrer que les militants socialistes soutenaient le choix de leur direction de s’unir avec Place publique. Donner le signal aussi qu’ils voulaient partir au combat pour les élections européennes, derrière Raphaël Glucksmann, après sa prestation ratée lors du débat télévisé de France 2. Mais ce samedi 6 avril, la démonstration peinait à convaincre : quelque 500 militants et sympathisants avaient fait le déplacement, une assemblée bien modeste dans une des places fortes du PS, qui compte encore 2 500 adhérents. Et la tête de liste a livré un discours encore tâtonnant et plein de ses doutes.

Dans la salle dont le périmètre avait été réduit pour donner une impression de masse, sont venus ceux qui croient encore au Parti socialiste, des troupes qui veulent soutenir Eric Andrieu, député européen sortant et le local de l’étape. Et d’autres désireux de découvrir, en vrai, leur nouveau candidat. Alors que la liste plafonne entre 5 et 6 % dans les sondages, ils ont encore du mal à s’enthousiasmer. Mais ils veulent tout de même y croire. Peu avant le début de la réunion, Maria Conquet, venue avec ses jeunes camarades de l’Aude, y voit « une chance pour le PS ». Raphaël Glucksmann n’est pas un professionnel et ses hésitations ont laissé un sentiment de flottement ? La jeune femme l’assume.

Tout comme son camarade Cyril : « c’est pas un professionnel et c’est précieux », dit-il. Un peu plus loin, Eliane Cyran, militante PS de Toulouse, y voit « un nouvel élan avec d’autres perspectives » pour son parti. Isabelle Picquemal, arrivée d’Ariège, dit préférer avoir un candidat qui n’est pas un politique : « Il n’a pas les dents longues comme les autres ». Renouveler, rénover, l’objectif affiché d’Olivier Faure ne semble pas faire pour eux. « Après ce qui s’est passé (à la présidentielle) -, on a besoin d’une vraie introspection, à réfléchir à pourquoi on est loin des gens », renchérit Florence Laforest.

Point d’interrogation

Certains sont plus circonspects après les premières sorties de l’essayiste. « Pour moi, Glucksmann c’est un vrai point d’interrogation. Mais on ne pouvait pas présenter de liste PS », glisse Anne-Marie Bergère, retraitée. « Pourquoi pas lui ? A partir du moment où Olivier Faure ne voulait pas y aller… », lâche Alphonse Monané, militant octogénaire de Haute-Garonne. Beaucoup sont donc venus voir qui était cet OVNI débarqué de Place publique pour qui on leur demandait de tracter. Peu connaissent ses combats, ses engagements, il n’était pas des leurs. « C’est très nouveau pour nous d’être rassemblés derrière quelqu’un qui n’appartient pas à notre famille politique, reconnaît Philippe Martin, président du conseil général du Gers. C’est un pari mais il faut comprendre qu’on doit sacrément nous renouveler ».

Olivier Faure a lui même reconnu que son « grand petit frère », comme il appelle Raphaël Glucksmann, « n’avait pas les gammes classiques, les punchline ». Mais il est le « seul » à avoir une « sincérité », a-t-il insisté. Ce sera le mot-clé du jour. La sincérité, la fraîcheur d’un discours non calibré, sans les éléments de langage qui lassent. C’est cela qui plaît aux militants, aux sympathisants, ose croire le premier secrétaire qui a poussé sa démonstration jusqu’à dire : « Il ne faut pas que Raphaël essaie de nous ressembler ». Pas sûr que les militants ne l’aient pas un peu espéré au fond d’eux-mêmes mais il faut faire campagne malgré les doutes.

« Cette gauche s’est égarée »

Aurore Lalucq, militante transfuge de Générations, puis Eric Andrieu, député européen, se sont chargés de chauffer la salle avec des accents résolument à gauche. Claire Nouvian pense même mettre les grincheux de son côté en lançant à Olivier Faure : « Je ne m’attendais pas à me retrouver ici, encore moins avec toi, le représentant du seul parti pour lequel je n’ai jamais voté. Mais cette gauche s’est égarée et tu la remets sur le bon chemin ». Le patron du PS enchaîne avec un plaidoyer pro domo pour sa tête de liste : « Je ne doute pas de lui, je suis avec lui ». Le job était fait et la tête de liste pouvait faire son entrée en scène. Elle fut encore déroutante.

Le candidat a tenté de faire ce qu’on attendait de lui. Devant une salle 100 % socialiste, il a cherché à câliner ses soutiens qui doutent : « Je n’ai pas encore tous les codes de la politique ni tous les mots des socialistes. Mais je suis fier de partir à la lutte avec le parti de Jaures, de Blum, de Mendes et de Rocard. On nous explique que la gauche est morte, reléguée aux livres d’histoire, mais ses mots sont vivants », a-t-il lancé. Avant de s’enflammer en la comparant à Andromaque, « sauvée par l’amour » : « La gauche doit retrouver un langage amoureux, retrouver l’amour des défavorisés ». La voix monte dans les aigus avant de se caler pour parler des « nationalistes et xénophobes » qu’il faut combattre : « Ils s’attaquent aux minorités, aux droits fondamentaux, à tout ce qui compte pour nous ».

L’assistance applaudit, comme si elle retrouvait ses repères. Quand soudain le candidat lui fait un aveu : « Je sens poindre dans mon entourage, mes proches, ce doute. “mais tu n’arrives pas à dire votez pour moi !”, me disent-ils. Je n’y arriverais jamais mais il faut voter pour moi ». Avant d’ajouter : « Mais je sais que j’ai besoin de vous ». Beaucoup - trop ? - de doutes encore affichés au moment où il faut convaincre les militants pour ensuite aller chercher les électeurs.