Des combats au sud de Tripoli entre les forces fidèles au maréchal Khalifa Haftar et celles du gouvernement de Faïez Sarraj ont fait craindre un nouvel embrasement en Libye, dans la soirée de vendredi 5 avril, quelques heures après un appel de la communauté internationale à un arrêt de toute offensive de l’Armée nationale libyenne (ANL), force de l’est du pays rivale depuis 2011 du gouvernement d’« union nationale » (GNA).

Après avoir rencontré à Tripoli le chef du GNA, Faïez Sarraj, jeudi, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, s’est entretenu vendredi avec le maréchal Haftar, à Benghazi. « Je quitte la Libye avec une profonde inquiétude et un cœur lourd », a déclaré à la sortie le dirigeant de l’Organisation des Nations unies (ONU), « espérant toujours possible d’éviter une confrontation sanglante à Tripoli et ses environs ».

En fin de journée, de premiers combats significatifs ont éclaté entre les deux camps à une cinquantaine de kilomètres au sud de Tripoli. Des forces de l’ANL ont pu progresser ensuite jusqu’à l’aéroport situé à une trentaine de kilomètres au sud de la capitale et inutilisé depuis qu’il a été détruit en 2014 par des combats.

L’ANL a réussi à prendre brièvement l’aéroport, avant d’en être chassée par les forces loyalistes, a déclaré le ministre de l’intérieur du GNA, Fathi Bachagha, à la télévision Libya Al-Ahrar. « Les combats se déroulent actuellement dans la région de Gasr Ben Ghechir », au sud de l’aéroport, a-t-il précisé vendredi soir.

Le porte-parole de l’ANL, Ahmed Al-Mesmari, a, lui, fait état « d’une importante avancée », tout en reconnaissant un revers subi vendredi matin avec la perte du barrage de sécurité à l’ouest de Tripoli. Il a déploré cinq morts parmi les forces de l’ANL depuis jeudi, faisant état d’un autre front dans la région d’El-Azizia, à 50 km au sud-ouest de la capitale.

« L’heure a sonné »

Depuis la chute, en 2011, du régime Kadhafi, la Libye est plongée dans le chaos avec la présence de nombreuses milices ainsi que deux autorités rivales qui se disputent le pouvoir : le GNA dans l’Ouest, reconnu par la communauté internationale, et l’ANL de Khalifa Haftar dans l’Est.

Jeudi, Khalifa Haftar a ordonné à ses forces d’« avancer » en direction de Tripoli. « L’heure a sonné », a-t-il dit dans un message audio, promettant d’épargner les civils, les « institutions de l’Etat » et les ressortissants étrangers. La force de protection de Tripoli, une coalition de milices fidèles au GNA, a aussitôt annoncé une contre-offensive et de puissants groupes armés de la ville occidentale de Misrata se sont dits « prêts à stopper l’avancée maudite » des pro-Haftar.

Vendredi avant l’aube, ces derniers ont été chassés après un « court accrochage » à un barrage à 27 kilomètres à l’ouest de Tripoli, selon une source de sécurité. Des dizaines de combattants pro-Haftar ont été faits prisonniers. Selon un journaliste de l’Agence France-Presse sur place, M. Sarraj, accompagné de commandants militaires, s’est rendu ensuite au barrage, dans un convoi d’une vingtaine de véhicules, dont des pick-up armés de canons antiaériens. Il a échangé avec les troupes avant de reprendre la route pour Tripoli, où les combats se sont déclenchés vendredi soir.

« Il n’y a pas de solution militaire au conflit libyen »

Réunis vendredi en France, les ministres des affaires étrangères des sept pays les plus industrialisés (G7) ont « exhorté » tous les acteurs à stopper « immédiatement » tous « les mouvements militaires vers Tripoli, qui entravent les perspectives du processus politique mené par les Nations unies ». « Il n’y a pas de solution militaire au conflit libyen », ont souligné les chefs de la diplomatie des Etats-Unis, du Canada, de la France, de l’Allemagne, du Royaume-Uni, d’Italie et du Japon.

Le même jour, le Conseil de sécurité de l’ONU, convoqué en urgence, a lui appelé plus directement l’Armée nationale libyenne du maréchal Haftar, qui a entrepris de marcher vers la capitale, « à interrompre tous les mouvements militaires », selon l’ambassadeur allemand Christoph Heusgen.

Le Kremlin a mis en garde contre une « reprise du bain de sang » et appelé à un règlement « pacifique et politique » du conflit. Avant la Russie, Washington, Paris, Londres, Rome et Abou Dhabi ont appelé les protagonistes libyens à faire baisser les tensions et à trouver une solution politique. Le Canada et la Tunisie, pays voisin de la Libye, ont aussi exprimé leurs inquiétudes.

La nouvelle escalade survient avant une conférence nationale sous l’égide de l’ONU prévue à la mi-avril à Ghadamès, dans le sud-ouest du pays, afin de dresser une « feuille de route » avec la tenue d’élections pour tenter de sortir le pays de l’impasse.