Khalifa Haftar et Jean-Yves Le Drian, en mai 2018 à l’Elysée. / LUDOVIC MARIN / AFP

L’offensive sur Tripoli du maréchal Khalifa Haftar, chef de l’Armée nationale libyenne, donne un sérieux coup au processus politique porté par l’émissaire spécial des Nations unies, Ghassan Salamé. Et représente un important revers pour Paris, la capitale la plus engagée pour une solution négociée de la crise libyenne. C’est en effet en bonne part grâce aux autorités françaises que l’homme fort de l’est du pays, ex-proche de Khadafi, avait réussi à se crédibiliser comme un protagoniste incontournable de la crise libyenne. A Tripoli, les médias soutenant le gouvernement d’« union nationale » (GNA) de Faïez Sarraj évoquent l’irritation de ce dernier face à ce qu’il considère être le soutien français au maréchal.

Paris réfute de telles accusations et affiche son soutien à la médiation de l’ONU en Libye, comme l’a fait Emmanuel Macron, le 6 avril, en s’entretenant avec le secrétaire général, Antonio Guterres, de retour de Tripoli. Le même jour, les ministres des affaires étrangères du G7, réunis à Dinard, ont à l’unanimité mis en garde « tout acteur libyen alimentant le conflit civil », sans citer Haftar. C’est le ministre allemand, Heiko Maas, qui a précisé que le maréchal était le premier visé. Son homologue français, Jean-Yves Le Drian, a préféré insister sur le fait que « la solution ne peut être qu’une ­solution politique ».

« Une réalité de terrain »

Bon connaisseur du dossier libyen, Jean-Yves Le Drian n’a jamais dévié de cette ligne, considérant qu’Haftar était « une réalité de terrain » et donc incontournable sur le terrain. Il en a convaincu le chef de l’Etat, qui, dès juillet 2017, s’est lancé dans une médiation à chaud sur la Libye, organisant à La Celle-Saint-Cloud (Yvelines) la première rencontre « pour une réconciliation » nationale entre Sarraj et Haftar. Il fut même le premier dirigeant occidental à le recevoir.

Lorsqu’il était ministre de la défense de François Hollande, M. Le Drian prônait une coopération avec le maréchal Haftar, ce dernier étant soutenu par l’Egypte, la Russie et les Emirats arabes unis, pour combattre le terrorisme. Au besoin à travers l’apport discret d’équipes des services français sur place, qui a suscité des polémiques.

Un peu moins d’un an plus tard, en mai 2018, c’était à l’Elysée que le chef de l’Etat recevait Haftar et Sarraj pour adopter une feuille de route centrée notamment sur l’organisation de futures élections, qui est restée jusqu’ici lettre morte.