Des membres de l’ANL (Armée nationale libyenne), menée par le maréchal Khalifa Haftar, le 7 avril. / ESAM OMRAN AL-FETORI / REUTERS

De violents combats secouent la Libye depuis le début, jeudi, de l’offensive du maréchal Khalifa Haftar et de ses forces réunies dans l’Armée nationale libyenne (ANL), sur la capitale, Tripoli. Ils s’opposent aux forces loyales du gouvernement d’« union nationale » (GNA), reconnu par la communauté internationale et dirigé par Faïez Sarraj, installé dans la capitale.

  • Au moins 32 morts dans les combats

Au moins 32 personnes ont été tuées et 50 autres blessées depuis jeudi, selon un nouveau bilan arrêté dimanche soir par le ministère de la santé du GNA. Samedi soir, l’ANL du maréchal Haftar avait fait état de 14 morts parmi ses combattants.

Dimanche, de violents combats ont encore opposé près de Tripoli les forces paramilitaires du maréchal Haftar aux troupes du GNA, et l’ANL a affirmé avoir mené son premier raid aérien en banlieue même de la capitale. Dans le camp adverse, le GNA, par la voix de son porte-parole, le colonel Mohamad Gnounou, a annoncé le début d’une « contre-offensive » généralisée – nommée « Volcan de la colère » –, pour « purger toutes les villes libyennes » des « forces illégitimes », en référence au camp Haftar.

  • Des appels au calme de la communauté internationale

La mission d’assistance de l’Organisation des Nations unies (ONU) en Libye (Manul) a lancé – en vain – un « appel urgent » à une « trêve humanitaire » de deux heures dimanche après-midi dans la banlieue sud de Tripoli pour permettre l’évacuation des blessés et des civils.

« Profondément préoccupés », les Etats-Unis ont appelé à l’« arrêt immédiat » de l’offensive. « Les Etats-Unis, avec leurs partenaires internationaux, continuent à presser les dirigeants libyens de revenir aux négociations politiques sous la médiation du représentant spécial du secrétaire général [de l’ONU], Ghassan Salame », a déclaré dimanche le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo.

Mais les grandes puissances ne sont pas parvenues à se mettre d’accord à l’ONU sur une position commune concernant la crise libyenne.

Emmanuel Macron s’est entretenu samedi soir par téléphone avec le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, et a renouvelé son soutien à la médiation de l’ONU en Libye, a fait savoir l’Elysée. M. Guterres, dont la visite en Libye cette semaine a coïncidé avec le lancement de l’offensive de l’ANL, a dit quitter le pays « avec une profonde inquiétude et un cœur lourd », après avoir rencontré M. Sarraj à Tripoli puis le maréchal Haftar à Benghazi.

  • Deux grands rivaux et plusieurs milices

Depuis la chute, en 2011, du régime Kadhafi, la Libye est plongée dans le chaos avec la présence de nombreuses milices en plus des deux autorités rivales qui se disputent le pouvoir (le GNA dans l’ouest du pays, et l’ANL qui contrôle l’est et une grande partie du sud).

Jeudi, le maréchal Haftar a déclaré la guerre à ses rivaux de l’Ouest en lançant un assaut sur la capitale, siège du GNA. Il a clairement tablé sur une victoire rapide « sans combats » en nouant des alliances avec des factions de la Tripolitaine (région ouest) et en comptant sur un effondrement rapide des groupes armés pro-GNA. Son porte-parole, Ahmed Mesmari, a déclaré samedi que la prise de Tripoli ne saurait tarder.

De premiers combats significatifs ont éclaté vendredi entre les deux camps à une cinquantaine de kilomètres au sud de Tripoli. Samedi, les forces pro-GNA ont mené au moins un raid aérien contre une position de l’ANL, qui a promis une riposte.

Mais l’ANL semble surprise par la mobilisation de forces qui lui sont plus ou moins hostiles, en particulier les puissantes milices de Misrata (200 km à l’est de Tripoli), qui avaient chassé en 2016 le groupe Etat islamique de Syrte.

  • Une conférence sous l’égide de l’ONU prévue à la mi-avril

Cette nouvelle escalade de violences survient avant une conférence nationale, sous l’égide de l’ONU, prévue à la mi-avril à Ghadamès (sud-ouest), censée dresser une « feuille de route » avec la tenue d’élections. L’émissaire de l’ONU pour la Libye, Ghassan Salamé, a assuré lors d’une conférence de presse à Tripoli que cette conférence était maintenue « à la date prévue », du 14 au 16 avril, sauf en cas de « circonstances majeures ».

Faïez Sarraj a estimé samedi soir que cette conférence était une piste « vers un Etat stable et pour construire un Etat civil et démocratique ». Il a accusé le maréchal Haftar d’être « animé par ses intérêts personnels » et d’œuvrer à « saper le processus politique » pour « plonger le pays dans un cycle de violence et de guerre destructrice ». Rappelant les arrangements trouvés avec M. Haftar lors de leurs dernières rencontres, le premier ministre du GNA a déclaré que son rival avait « trahi l’accord » et « tenté de le poignarder dans le dos ».

Les deux hommes se sont rencontrés à plusieurs reprises ces dernières années. Lors de leur dernière réunion à la fin de février à Abou Dhabi, ils avaient conclu un accord en vue notamment de former un gouvernement unifié et portant sur l’organisation d’élections avant la fin de l’année. Une des premières rencontres s’était tenue à Paris en juillet 2017 à l’initiative d’Emmanuel Macron, dont le pays est accusé par les anti-ANL de soutenir le maréchal.