L’opposant russe Alexeï Navalny à la Cour européenne des droits de l’homme, à Strasbourg, le 15 novembre 2018. / FREDERICK FLORIN / AFP

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné mardi 9 avril la Russie pour avoir assigné à résidence et avoir imposé des restrictions en 2014 à Alexeï Navalny, principal opposant à Vladimir Poutine.

« L’assignation à résidence n’était pas justifiée (…) Il est manifeste que le traitement dont il a fait l’objet visait à restreindre ses activités publiques », note la CEDH dans son arrêt, constatant la violation des articles 5, 10 et 18 de la Convention européenne des droits de l’homme relatifs notamment à la liberté et la liberté d’expression. « Ces mesures poursuivaient le même but consistant à étouffer le pluralisme politique et avaient un but inavoué. »

« Victoire », a réagi M. Navalny sur son compte Instagram. « Je suis convaincu que cette décision aura des conséquences importantes pour tous ceux en Russie qui subissent en permanence un tel arbitraire. »

Bracelet électronique

Moscou avait imposé en 2014 une assignation à résidence à M. Navalny dans le cadre d’une enquête ouverte deux ans auparavant contre lui et son frère, Oleg, pour escroquerie envers les sociétés Multidisciplinary Processing et Yves Rocher Vostok, et blanchiment de produits de transactions illégales.

Cette mesure avait été motivée par l’arrestation à deux reprises, en mai 2012, de M. Navalny pour s’être rendu au jugement de personnes ayant participé à un rassemblement politique en mai 2012 et avoir participé à une manifestation statique, sans demander l’autorisation, comme l’exigeait l’enquête pénale.

L’assignation à résidence avait été prolongée à plusieurs reprises et avait duré dix mois.

Le militant anticorruption, âgé de 42 ans, devait porter un bracelet électronique, avait interdiction de parler à d’autres personnes que ses proches, sa famille et ses avocats, d’écrire et de recevoir du courrier, de communiquer sur Internet et avec les médias. Les mesures concernant sa communication et ses déclarations publiques avaient été assouplies en août et octobre 2014.

« Inutile et arbitraire »

En janvier 2015, M. Navalny avait annoncé mettre fin à son assignation à résidence en l’absence de notification écrite d’une prolongation dans le délai prévu par la loi. Il avait brisé son bracelet électronique et s’était rendu à son bureau sans être arrêté ni sanctionné.

M. Navalny avait introduit une requête auprès de la CEDH le 6 juin 2014, jugeant que son assignation à résidence était « inutile et arbitraire ». Il estimait aussi que « les mesures prises contre lui avaient visé à l’empêcher de poursuivre ses activités publiques et politiques » et qu’elles avaient été motivées « par des considérations politiques ».

La Cour a condamné la Russie à verser à M. Navalny 20 000 euros pour préjudice moral.

En novembre, la CEDH avait déjà condamné la Russie pour les multiples arrestations à caractère « politique » de l’opposant russe.

Le militant, avocat de profession, avait introduit cinq requêtes devant la Cour concernant sept arrestations par la police russe entre 2012 et 2014, en marge de rassemblements politiques contre le gouvernement.