Le président de la Juventus Turin, Andrea Agnelli (à gauche), au côté du président de l’UEFA, Aleksander Ceferin, le 7 février à Rome. / ANDREAS SOLARO / AFP

Andrea Agnelli est un dirigeant ambitieux. Vingt-trois ans après le dernier sacre de son club en Ligue des champions, le président de la Juventus Turin rêve d’une troisième « Coupe aux grandes oreilles ». Sur sa route se dresse, mercredi 10 avril, en match aller des quarts de finale, une vieille connaissance, l’Ajax Amsterdam : c’est contre la formation néerlandaise que les Bianconeri ont décroché, en 1996, leur ultime victoire dans la compétition.

Les sept titres consécutifs raflés en Serie A italienne depuis 2012 – la « Juve » devrait être de nouveau sacrée samedi 13 avril – ne suffisent pas au patron de la « Vieille Dame », soucieux de reconquérir l’Europe après deux finales de Ligue des champions perdues ces quatre dernières années (2015, 2017).

Qu’il paraît loin le temps où le club était rétrogradé en Serie B (2006), en raison de son implication dans le « Calciopoli », affaire de matchs truqués, dont son directeur général, Luciano Moggi, fut le maître d’œuvre. Aujourd’hui, Andrea Agnelli règne sur le club le plus riche d’Italie (395 millions d’euros de revenus sur l’exercice 2017-2018 selon le cabinet Deloitte).

Héritier de la dynastie Fiat, qui détient la « Juve » depuis 1923, le dirigeant de 43 ans, aux commandes de l’institution depuis 2010, a poli son image de gestionnaire en imposant sa marque dans le champ du marketing. On lui doit une hausse du chiffre d’affaires et une politique sportive ambitieuse. En atteste le recrutement (pour 100 millions d’euros), à l’été 2018, de Cristiano Ronaldo, la star portugaise du Real Madrid.

Passé par le collège d’Oxford et l’université Bocconi de Milan, le quadragénaire peut se targuer d’avoir mené à bien le chantier du nouveau stade, inauguré en 2011 et dont l’équipe est propriétaire, tout en ayant poursuivi l’œuvre du dirigeant français Jean-Claude Blanc (2009-2010), principal artisan du redressement du club.

« Ceferin, une créature d’Agnelli »

Au niveau européen, le patron de la Juve a su renforcer son emprise sur les instances du football. Président de l’Association européenne des clubs (ECA) et membre du comité exécutif de l’UEFA depuis 2017, il s’active en coulisses, participe à toutes les décisions stratégiques, et forme un tandem inoxydable avec le Slovène Aleksander Ceferin, président de l’UEFA depuis 2016.

D’une discrétion légendaire, derrière sa barbe épaisse, l’intéressé n’hésite pas à se poser en patron officieux et principal lobbyiste du football continental. Au point que certains observateurs estiment que « Ceferin est une créature d’Agnelli ». A Rome, en février, MM. Ceferin et Agnelli ont signé un « mémorandum » garantissant la collaboration étroite et la proximité de vue entre l’UEFA et l’ECA jusqu’à l’Euro 2024.

« Malgré son jeune âge, Andrea Agnelli est déjà un leader expérimenté », confie au Monde l’homme fort du Bayern Munich, l’Allemand Karl-Heinz Rummenigge. Lequel manie la langue de bois pour évoquer son successeur à la tête de l’ECA : « Il a désormais devant lui la tâche immense de guider, de concert avec l’UEFA, l’avenir du football de club, et doit, avec équité et sérieux, être attentif à sa stabilité, son équilibre. »

Ce statut de nouvel homme fort du football européen laisse cependant sceptiques certains acteurs. « Il a hérité de tout, il ne s’est pas fait lui-même, ce n’est ni un Aulas [président de l’Olympique lyonnais], ni un Hoeness [du Bayern Munich], ni un Florentino Pérez [du Real Madrid], considère un ex-cadre de l’UEFA. Je ne pense pas qu’il ait la carrure pour ce genre de rôle, qu’il soit le leader des clubs et encore moins du foot européen. »

Ces critiques ne semblent pas déstabiliser l’influent patron de la Juve. En septembre 2018, c’est lui qui a donné le feu vert au lancement d’une troisième compétition européenne à compter de la saison 2021-2022, « portant à 96 [contre 80 aujourd’hui] le nombre total de clubs participant » aux tournois continentaux. Le Piémontais est à la manœuvre pour modifier le format de la Ligue des champions à partir de 2024. Laquelle pourrait, à l’avenir, s’apparenter davantage à une ligue fermée entre les grands clubs. L’hostilité des représentants des championnats européens au projet ne devrait pas le faire reculer.