LCP, mardi 9 avril à 21 heures, documentaire

Dans les salles de classe du Rwanda, les descendants des tueurs sont assis à côté de ceux des victimes. C’est ce que de nombreux observateurs appellent le « miracle rwandais ». Vingt-cinq ans après le génocide des Tutsi qui a fait plus de 800 000 morts, il n’y a plus de quota ethnique dans les écoles et les universités. Il n’y a même plus d’ethnie. « Nous sommes tous des Rwandais, répondent en chœur les élèves au professeur qui, dans ce documentaire, leur demande s’ils sont Hutu ou Tutsi. Et aujourd’hui, nous vivons en paix. » Il aura fallu le temps d’une génération pour que ce pays d’Afrique centrale se réconcilie. Du moins en apparence. Car le film montre que les douleurs psychologiques, notamment chez les jeunes, sont encore vives.

L’enseignement du génocide est entré dans les programmes scolaires en septembre 1996, soit deux ans après la fin des massacres

L’enseignement du génocide est entré dans les programmes scolaires en septembre 1996, soit deux ans après la fin des massacres. « Les jeunes souhaitent comprendre les raisons qui ont conduit à ce qui s’est passé, assure Jean-Damascène Bizimana, directeur de la Commission nationale de lutte contre le génocide. Ils veulent savoir comment cela a été planifié, comprendre le rôle des différents acteurs : colonisateur, politique… » Qu’elle soit du côté des tueurs Interahamwe, ces miliciens extrémistes Hutu, ou de celui des survivants, chaque famille rwandaise a été frappée par l’horreur. Les premiers récits qu’entendent les jeunes viennent généralement du cercle familial. Au pays des mille collines, un proverbe affirme qu’« une famille qui ne parle pas, ment ».

Mais engager le dialogue réveille toujours des souvenirs douloureux. Le documentaire, réalisé par André Versaille, propose des instants d’une rare intensité, notamment celui où un père dévoile à sa fille son passé. « Quel rôle as-tu joué ? », interroge Agnès, 20 ans. « A cette période, tuer quelqu’un ne voulait plus rien dire, répond son père, qui fut condamné à onze ans de prison. Tout le monde s’est joint aux attaques génocidaires. Et moi ton père, également. C’était pour sauver ma peau. »

Le viol, arme de destruction massive

Au cours du génocide, le viol a été utilisé comme arme de destruction massive. Même si la plupart des femmes ont été tuées après avoir servi d’esclaves sexuelles, un rapport des Nations unies a estimé qu’au moins 250 000 d’entre elles furent abusées au cours du printemps 1994. Agé de 25 ans, François est né d’un viol. Dans le documentaire, Diane, sa mère tutsi, décide de lui raconter son histoire sous l’œil de la caméra. Est-ce du voyeurisme ? Le viol de l’intimité d’une famille ? On peut s’interroger.

A l’heure où les théories négationnistes et révisionnistes sur le génocide se propagent sur Internet, de nombreux Rwandais pensent qu’il faut montrer ce que fut l’atrocité du génocide. Pour que l’histoire ne se répète pas, ils estiment qu’il faut rappeler que des femmes ont eu les organes génitaux mutilés à la machette ou à l’acide. Qu’il est utile de dire comment d’autres ont été abusées avec des branches de bananier ou des tessons de bouteille de bière. Les Rwandais pensent que, vingt-cinq ans après, le monde doit se souvenir que la tache brune du Mémorial de Ntarama, situé à une cinquantaine de kilomètres de Kigali, est celle du sang des enfants fracassés contre le mur par les miliciens ou leur propre mère dans le cas de mariage mixte.

En cette période de commémoration, qui a commencé le 7 avril, les Rwandais estiment que c’est ainsi que peuvent se faire la réconciliation nationale et la construction d’un pays apaisé.

DROIT DE SUITE - Bande Annonce Rwanda, un génocide en héritage
Durée : 00:39

Rwanda, un génocide en héritage, d’André Versaille (Fr., 2019, 60 min). presse.lcp.fr