Dalila allait avoir 51 ans. D’une première union, elle avait eu trois enfants, deux grands âgés de 27 et 20 ans et une fille de 13 ans. Elle a été tuée, samedi soir 6 avril, alors que les gendarmes venaient de quitter le domicile conjugal, à Vidauban (Var), à une vingtaine de kilomètres de Draguignan. Soupçonné d’être l’auteur de ce meurtre, son mari, 51 ans, un infirmier libéral exerçant à Cogolin, a été placé en garde à vue lundi. Il devait être présenté mercredi à un juge d’instruction en vue de sa mise en examen pour assassinat.

Cette mort aurait-elle pu être évitée ? Appelés samedi en fin de journée, des gendarmes de la brigade territoriale des Arcs se sont rendus au domicile du couple où le mari menaçait son épouse avec un couteau. A leur arrivée, les militaires ont trouvé cette femme chez un voisin, où elle s’était réfugiée. Son mari avait quitté les lieux.

Restés sur place une heure, les gendarmes ont invité Dalila à se mettre en sécurité chez des proches. « Je regroupe mes affaires et je m’en vais », leur assure-t-elle alors, tandis que les gendarmes remontent dans leur véhicule. A 21 heures, ils la rappellent pour prendre des nouvelles, le mari est revenu : « Il est là, il a une arme », dit-elle. Dix minutes plus tard, les militaires constatent son décès, tuée par arme à feu au volant de son véhicule devant le domicile familial.

Violences psychologiques

« Les premiers éléments de l’enquête permettent de dire qu’il est retourné chercher une arme de poing après être venu, une première fois, menacer son épouse », indique au Monde Patrice Camberou, procureur de la République de Draguignan. Le magistrat a ouvert une enquête pour assassinat car « cet élément signe la préméditation ».

Le couple vivait ensemble depuis février 2017 et s’était marié en septembre de la même année. Les gendarmes étaient déjà intervenus dans le passé pour « des différends de voisinage » et des violences conjugales. Fin mars, le mari s’étant montré une nouvelle fois brutal, il avait été placé en garde à vue et déféré devant le parquet de Draguignan. Il devait être jugé le 12 août par le tribunal correctionnel.

Même si, ce jour-là, Dalila n’avait subi que des blessures légères, les violences exercées étaient importantes sur le plan psychologique, selon le procureur. Dans l’attente du procès, l’homme ne pouvait plus entrer en contact avec son épouse. Mais son contrôle judiciaire lui permettait de se rendre au domicile familial pour des raisons professionnelles : accès au matériel, à son ordinateur…

Samedi soir, l’homme avait pris soin de se débarrasser de son téléphone pour éviter toute géolocalisation et en avait acquis un nouveau. Il a finalement été interpellé lundi soir. A Vidauban, un gendarme rentrant chez lui l’a aperçu au volant de son véhicule. Dans sa fuite, il a foncé sur un véhicule de gendarmerie, blessant légèrement un militaire. Cette course-poursuite devrait lui valoir, en outre, une mise en examen pour violences volontaires sur personnes dépositaires de l’autorité publique.

Points de bascule

Le juge d’instruction aura à vérifier quand l’arme, un pistolet automatique de calibre 9 mm, a été acquise. Mais l’instruction portera pour une grande part sur la personnalité de cet homme déjà condamné en 2014 à huit mois de prison avec sursis pour des violences exercées sur une précédente compagne.

La mort de Dalila pose aussi la question de la prise en charge, par les forces de police ou de gendarmerie, des femmes menacées. En effet, ces moments de tension extrême, où elles sont appelées, sont des points de bascule où les victimes doivent être protégées jusqu’à leur mise à l’abri. Pourquoi Dalila n’a-t-elle pas été accompagnée par les gendarmes pour se rendre dans sa famille, alors que son mari était introuvable et armé ?

Selon le comptage officieux du groupe Facebook « Féminicides par compagnons ou ex » réalisé par des militantes féministes à l’aide de faits répertoriés dans la presse locale, le meurtre de Dalila serait déjà le quarante-deuxième de 2019.

A titre de comparaison, trente-deux homicides conjugaux avaient été commis à la même période de l’année 2018. Une augmentation qui heurte la sacro-sainte phrase « une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint ». C’est désormais tous les deux jours.