Lors d’une marche pour Adama Traoré, le 21 juillet 2018 à Beaumont-sur-Oise. / FRANCOIS GUILLOT / AFP

L’affaire Adama Traoré, qui était sur le point de se clore judiciairement, vient de connaître un nouveau rebondissement, de taille. Les juges d’instruction, qui estimaient pourtant avoir terminé leur enquête en décembre 2018, ont ordonné au début d’avril une nouvelle expertise médicale dans ce dossier hors norme, ainsi que de nouvelles auditions. Avec toujours le même objectif : déterminer les causes de la mort du jeune homme sur le sol de la gendarmerie de Persan (Val-d’Oise) en juillet 2016.

Le dernier rapport médical commandé par la justice avait conclu en octobre 2018 que les gendarmes étaient hors de cause et qu’Adama Traoré était mort à la suite d’un effort physique important, qui avait déclenché une crise due à des maladies, pourtant bénignes, qui préexistaient chez lui. Une version qui n’avait pas convaincu la famille, persuadée que c’est la technique de contention des gendarmes qui a provoqué l’asphyxie fatale pour le jeune homme.

L’avocat des proches d’Adama Traoré, MYassine Bouzrou, avait donc fait réaliser en mars 2019 une contre-expertise par des médecins spécialisés dans les maladies dont il était affecté et qui auraient causé le décès, un trait drépanocytaire et une sarcoïdose de type 2. Ces derniers avaient rendu un avis formel : ces deux maladies, sous ces formes asymptomatiques qui plus est, ne peuvent en aucun cas avoir provoqué la mort du jeune homme.

Cinquième expertise en trois ans

Si les juges d’instruction ont estimé que ce rapport non commandé par leurs soins ne pouvait tout remettre en cause, sa publication largement relayée a suffisamment porté pour qu’une nouvelle expertise soit ordonnée. La cinquième en trois ans, dans un dossier où la science aura jusque-là échoué à faire la lumière.

A la demande de la famille Traoré, la justice va également procéder à l’audition de témoins jamais entendus par les juges, comme la femme ayant assisté à la fuite du jeune homme lors de sa première interpellation, ou encore l’homme chez lequel il s’était réfugié avant que les gendarmes ne le retrouvent.

L’inspection générale de la gendarmerie va de son côté procéder au calcul de la distance qu’il aurait parcouru pour échapper aux forces de l’ordre. Dans leur expertise médicale d’octobre 2018, les médecins partaient de l’hypothèse qu’il avait couru pendant dix-huit minutes, ce qui aurait expliqué son grand essoufflement et sa crise d’asphyxie. La famille d’Adama Traoré, un jeune homme à la pratique sportive régulière, soutient au contraire, dossier judiciaire à l’appui, qu’il n’a parcouru que 400 mètres en dix-huit minutes.

L’option d’une reconstitution des faits a en revanche, pour le moment, été écartée. Tout comme un nouvel interrogatoire des gendarmes mis en cause. Les juges d’instruction assurent vouloir attendre les conclusions de la nouvelle expertise médicale. La dernière réalisée à leur demande avait mis neuf mois à aboutir. L’épilogue de l’affaire Adama Traoré est encore loin d’être écrit.