Le marché central de la ville de Diffa, dans le sud-est du Niger, en juin 2016. / ISSOUF SANOGO / AFP

Diffa, la grande ville du sud-est du Niger, a été frappé de mardi soir 9 avril à mercredi matin 10 avril par une nouvelle attaque d’envergure du groupe djihadiste nigérian Boko Haram, dont les violences vont crescendo dans cette région depuis fin 2018. Des assaillants en nombre indéterminé ont attaqué mardi soir la caserne centrale de la gendarmerie de cette ville de 200 000 habitants, située à quelques kilomètres de la frontière avec le Nigeria, berceau de Boko Haram.

Après plusieurs heures de combat avec les forces de sécurité nigériennes, des assaillants, vraisemblablement munis de ceintures d’explosifs, se sont retranchés au domicile d’un gendarme où ils ont pris des otages et se sont ensuite fait sauter, selon le secrétaire général du gouvernorat de Diffa, Yahaya Godi, et d’autres sources. Le bilan total était encore inconnu mercredi après-midi. « Nous n’avons pas encore de bilan définitif, mais un bilan provisoire fait état de deux de nos éléments tombés [tués], et de l’autre côté [celui de Boko Haram], nos forces en ont tué deux et récupéré leur arsenal », a déclaré à l’AFP M. Godi.

« Tirs et fortes détonations »

L’attaque a été revendiquée mercredi par le groupe Etat islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap en anglais), une faction de Boko Haram, d’après SITE, un centre américain spécialisé dans la surveillance en ligne de la mouvance djihadiste. Le groupe fait état d’un commando de « quatre » kamikazes, qui aurait « tué et blessé des dizaines » de soldats nigériens, selon son communiqué de revendication.

D’après un haut responsable local, s’exprimant sous couvert d’anonymat, « des éléments armés de Boko Haram ont réussi à infiltrer la ville » vers 21 h 30 (20 h 30 GMT) mardi soir. Des « tirs et de fortes détonations » ont alors été entendus à la gendarmerie, selon des habitants. « Au niveau du groupement de la gendarmerie nationale de Diffa, [on entend] des tirs et de très fortes explosions à l’instant même », avait rapporté dès le début de l’attaque un habitant sur sa page Facebook.

Un élu local, requérant l’anonymat, a rapporté que les assaillants ont ciblé « plusieurs endroits », sans plus de précision. « Ils ont attaqué principalement le groupement de la gendarmerie », où « la fusillade s’est poursuivie jusqu’à 4 heures » du matin, a indiqué Yahaya Godi. « Traqués par les forces de sécurité, les assaillants se sont retranchés au domicile d’un gendarme et ont pris en otage plusieurs personnes », selon le haut responsable local, d’après lequel l’opération était toujours en cours à 11 heures.

« Des opérations de ratissage »

Puis « deux kamikazes se sont fait exploser au domicile d’un gendarme où ils s’étaient retranchés avec des otages », a expliqué Yahaya Godi, qui n’a pas précisé si des otages ont péri dans l’explosion ou s’ils ont pu être exfiltrés. Sans confirmer explicitement la fin de l’attaque, M. Godi a affirmé que « des opérations de ratissage » se poursuivaient « pour tenter de retrouver d’éventuels assaillants ». « Par précaution et pour ne pas exposer la vie des populations, les écoles et les marchés, qui sont des lieux de prédilection des kamikazes, resteront fermés deux ou trois jours », a-t-il aussi précisé.

Durant le seul mois de mars, 88 civils ont été tués au Niger par Boko Haram, dont les attaques ont contraint plus de 18 000 personnes à fuir leurs villages, selon les Nations unies qui s’alarment de la « détérioration rapide de la situation sécuritaire » dans la zone de Diffa. Parallèlement à l’attaque contre Diffa, le chef du village de Tam (à 70 km à l’ouest de Diffa) a été « égorgé dans la nuit de mardi à mercredi » par des « éléments du groupe terroriste Boko Haram », selon une ONG locale. Elle ajoute que deux habitants de Tam ont été enlevés par les assaillants.

Ces attaques interviennent au moment où une mission de parlementaires sillonne la région de Diffa pour « sensibiliser » les populations et les « inviter à collaborer avec l’armée » dans le cadre de la lutte contre Boko Haram, selon la radio d’Etat. L’insurrection de Boko Haram (dont le nom signifie « l’école occidentale est un péché »), qui a débuté en 2009 dans le nord-est du Nigeria, a fait plus de 27 000 morts et 1,8 million de déplacés dans ce pays, et a gagné le Niger, le Tchad et le Cameroun voisins.