Treize ans après l’échec de sa première tentative,l’enseigne française de la distribution d’articles de sport inaugure, vendredi 12 avril, son premier « superstore » sur le sol américain, à Emeryville, dans la baie de San Francisco (Californie). / PASCAL GUYOT / AFP

Décathlon repart à l’assaut des Etats-Unis. Treize ans après l’échec de sa première tentative, le géant de la distribution d’articles de sport inaugure, vendredi 12 avril, son premier « superstore » sur le sol américain, à Emeryville, dans la baie de San Francisco (Californie). Un défi de taille sur un marché mature et déjà très concurrentiel. Et sur lequel l’enseigne française et ses différentes marques partent de zéro.

« C’était le dernier gros marché sur lequel nous n’étions pas encore présents », rappelle Michel d’Humières, le directeur général de la filiale américaine. Créée en 1976, la chaîne a mené ces dernières années une vaste politique d’implantation à l’international. Elle compte aujourd’hui plus de 1 500 points de vente répartis dans 52 pays. Début avril, elle a ouvert un magasin au Japon. En 2018, elle s’était lancée dans douze nouveaux pays, dont le Canada, l’Autriche et la Corée du Sud.

Aux Etats-Unis, Decathlon s’attend à un défi difficile. « Les entreprises étrangères qui réussissent ici ne sont pas nombreuses », reconnaît M. d’Humières, qui avait déjà mené le développement en Espagne. La société l’a d’ailleurs appris à ses dépens. En 1999, elle avait en effet racheté 18 magasins à la chaîne MVP Sports dans la région de Boston (Massachusetts). Quatorze boutiques avaient fermé leurs portes dès 2003. Trois ans plus tard, elle abandonnait définitivement son aventure américaine.

L’enseigne mettra l’accent sur les produits maison

« Les conditions étaient très différentes, relativise M. d’Humières. En vingt ans, nous avons beaucoup évolué ; en particulier nos produits », souligne le responsable, qui estime ainsi être bien mieux armé pour séduire les consommateurs américains. Sa tente deux secondes ou son sac à dos à petit prix « n’ont pas d’équivalents locaux en termes de rapport technicité, qualité et prix », assure-t-il. En outre, le choix d’une opération de croissance externe avait accentué les difficultés de Decathlon, notamment en raison de la taille des magasins rachetés, jugée a posteriori trop petite.

La société a également changé d’approche. Plus prudente, elle a d’abord ouvert, fin 2017, un magasin laboratoire dans le centre-ville de San Francisco. D’une superficie inférieure à 800 mètres carrés, cette vitrine a permis de mesurer l’accueil et les attentes des sportifs de la région.

A Emeryville, au cœur d’une importante zone commerciale, le « superstore » de Decathlon s’étale sur 3 500 mètres carrés et propose des articles dans 80 sports. Il se distingue par une « petite touche californienne, avec présence de bois ou certains éléments qui n’existent pas dans les autres magasins », explique M. d’Humières. Autres particularités : l’absence de paiement en liquide et des meubles de caisse mobiles qui peuvent scanner l’ensemble des produits en une seule fois.

En outre, le point de vente américain mettra encore davantage l’accent sur les produits maison. A l’ouverture, ceux-ci représentent 95 % du catalogue. L’enseigne n’exclut pas de compléter par la suite son offre en externe sur des secteurs sur lesquels elle n’est pas présente. Mais elle exclut d’intégrer les grandes marques internationales, comme Nike ou Adidas.

Rude concurrence

En l’absence de ces marques phares, Decathlon « doit faire faire comprendre aux consommateurs l’intérêt de (ses) produits, admet d’Humières. Et aussi leurs prix ». Avec un risque : apparaître comme un distributeur low cost. Pour s’imposer, la société peut compter sur les nombres expatriés de la région. La clientèle de son laboratoire était aussi composée « d’Américains qui petit à petit découvrent nos produits », assure le dirigeant.

Mais Decathlon doit aussi affronter une rude concurrence. Certes, le numéro un américain du secteur, Dick’s Sporting Goods, est peu présent dans la baie. Mais les enseignes REI et Sports Basement y sont très réputées. De surcroît, souligne le cabinet Euromonitor, les acteurs traditionnels doivent lutter contre Amazon, les spécialistes de l’habillement qui ont renforcé leur offre sportswear et les marques qui ouvrent leurs propres boutiques. En 2016, Sports Authority, ancien leader du marché, a ainsi mis la clé sous la porte.

Si le succès est au rendez-vous, le groupe français espère ouvrir d’autres magasins dans la baie San Francisco. « Et pourquoi pas plus tard se lancer dans d’autres villes américaines », anticipe déjà M. d’Humières. Le marché est en tout cas immense : plus de 100 milliards de dollars par an (88,4 milliards d’euros), selon Euromonitor. Un relais potentiel de croissance pour Decathlon, qui a enregistré en 2018 une baisse de son chiffre d’affaires en France.