Clémence Calvin, lors de la conférence de presse tenue le 10 avril à Paris pour se défendre d’avoir échappé volontairement à un contrôle antidopage. / Christophe Ena / AP

L’étau se resserre sur Clémence Calvin, la marathonienne française suspendue provisoirement pour s’être, selon l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), soustraite à un contrôle antidopage à Marrakech, au Maroc le 27 mars. Une enquête préliminaire visant la vice-championne d’Europe et son entourage a été ouverte pour « infraction à la législation sur les produits dopants », a-t-on appris vendredi 12 avril auprès du procureur de Marseille Xavier Tarabeux, confirmant une information de L’Equipe.

L’enquête a été confiée au pôle santé publique du parquet de Marseille, Clémence Calvin et son compagnon Samir Dahmani résidant à Martigues (Bouches-du-Rhône).

Cette révélation intervient le jour de l’examen, par le Conseil d’Etat, de la demande en référé de Clémence Calvin pour faire annuler la suspension provisoire à son encontre. Si la sanction est confirmée, l’athlète ne pourra pas participer au marathon de Paris, dimanche 14 avril.

L’enquête préliminaire a été ouverte le 22 mars, soit cinq jours avant l’imbroglio du contrôle de Marrakech et 12 jours après que Clémence Calvin n’a pas souhaité valider son record de France du 5 kilomètres, établi au semi-marathon de Paris, ce qui aurait nécessité qu’elle subisse un contrôle antidopage.

Opération avortée

Dans les faits, voilà un an au moins que les gendarmes de l’Oclaesp (Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique) s’intéressent à Clémence Calvin et son entourage. L’ouverture de l’enquête préliminaire, le 22 mars, correspond au moment où l’Oclaesp pensait pouvoir attraper Samir Dahmani, le compagnon et entraîneur de Clémence Calvin, en flagrant délit de possession de produits dopants.

Selon une source proche de l’enquête, une opération était prévue au moment du départ du couple pour le Maroc. L’Oclaesp avait été informée de la probable présence d’EPO dans les bagages de Samir Dahmani, lui-même athlète de haut niveau.

L’Unité d’intégrité de l’athlétisme (UIA), agence antidopage de l’IAAF (Fédération internationale d’athlétisme), avait été mise dans la confidence, ainsi que l’Agence mondiale antidopage (AMA) et Interpol.

La saisie n’a jamais eu lieu. Le renseignement a-t-il été jugé peu fiable, ou les enquêteurs ont-ils préféré attendre dans l’espoir de démanteler un réseau plus large, impliquant Clémence Calvin mais aussi d’autres athlètes français ?

Quoi qu’il en soit, l’Oclaesp a très mal pris l’opération menée par l’AFLD au Maroc, rapportent plusieurs de ses interlocuteurs. « Cela a sérieusement gueulé du côté de l’Oclaesp », dit un agent de l’antidopage impliqué dans l’opération.

Selon cette source, l’UIA comme l’Oclaesp auraient souhaité pouvoir impliquer plus de monde que la seule Clémence Calvin, et notamment d’éventuels fournisseurs en produits dopants.

L’attitude de la marathonienne depuis le contrôle de Marrakech, en opposition frontale à l’AFLD, laisse à penser qu’elle ne collaborera pas, malgré la possibilité de réduire de moitié sa sanction sportive en cas « d’aide substantielle ».

L’AFLD, toutefois, peut s’enorgueillir d’une mission réussie, si le contrôle antidopage s’est bien déroulé dans des conditions régulières.

Selon la version de l’athlète, les trois préleveurs de l’agence se sont fait passer pour des policiers et ne lui ont pas demandé de se soumettre à un contrôle, avant de l’agresser physiquement et verbalement.

Ce scénario est jugé fantaisiste par les acteurs de la lutte antidopage, qui soulignent l’expérience et le professionnalisme d’Olivier Grondin, le préleveur chargé de cette mission.

Entre l’AFLD et l’Oclaesp, des relations compliquées

L’affaire Calvin met en lumière les relations compliquées entre les deux acteurs principaux de la lutte antidopage en France : l’AFLD, qui réalise les contrôles antidopage, et l’Oclaesp, doté de pouvoirs de police et chargée des trafics de produits dopants.

Si l’AFLD et la gendarmerie nationale sont liées par une convention de collaboration depuis 2010, les relations sont notoirement complexes entre certains de leurs agents.

Des tentatives ont pourtant été faites récemment pour fluidifier les relations, notamment le détachement à l’AFLD d’un gendarme rattaché au directeur des contrôles. Mais ces dernières années, les exemples de collaboration réussie entre les deux entités sont très rares. La dernière remonte au contrôle positif du cycliste Rémy Di Gregorio, en mars 2018.

« Je n’ai jamais vu une relation aussi dégradée entre l’AFLD et l’Oclaesp, commente un de leurs interlocuteurs réguliers. Il y a une relation de compétition qu’il faudrait transformer en émulation, mais ce n’est pas simple. Au lieu de marcher main dans la main, c’est : “Si je peux te n…., je te n….”. Il y a un préjudice évident pour la lutte antidopage. »

Le secrétaire général de l’AFLD, Mathieu Teoran, réfute cette absence de collaboration : « C’est un partenaire important pour l’agence. Nous menons des actions communes et nous échangeons régulièrement des renseignements. »

Contacté, le colonel Dominique Bousquet, chef de la division investigations à l’Oclaesp, n’a pas donné suite.