Dans un bureau de vote à Majuli, dans l’Etat indien de l’Assam, le 11 avril. / Anupam Nath / AP

Ce sont les plus grandes élections de l’histoire du monde. 879 millions d’électeurs sont appelés à voter en sept étapes pour désigner les 543 députés de la chambre basse du Parlement, lesquels éliront à leur tour, à partir de fin mai, le prochain premier ministre indien. La préparation du calendrier électoral a été un casse-tête : il a fallu tenir compte des conditions climatiques, des jours de récoltes et des festivals dans chaque région pour partager les 543 circonscriptions en sept groupes correspondant chacun à un scrutin. Celui-ci est à un tour, c’est-à-dire que le candidat qui obtient le plus grand nombre de voix dans sa circonscription sera élu au Parlement. Le quart des sièges est réservé à des membres des castes répertoriées, en l’occurrence les dalits (anciennement appelés les intouchables) ou à des membres issus des populations indigènes. En 2014, le taux de participation de 66 % y était bien plus élevé que dans de nombreuses autres démocraties.

Démesure. Les moyens engagés pour l’organisation de ces élections sont d’une ampleur inédite : 1,72 million de machines électroniques, 10 millions de personnes recrutées, 56 hélicoptères et 570 trains pour acheminer les machines à voter. Les agents électoraux devront se déplacer à dos d’éléphant ou de chameau, en bateau ou en hélicoptère pour recueillir les suffrages dans des endroits reculés ou qui sont le théâtre d’insurrections comme au Chhattisgarh, dans le centre de l’Inde. Le vote aura lieu à une altitude comprise entre le niveau de la mer et 4 800 mètres, et à une température comprise entre - 10 °C et + 48 °C.

Aucun électeur n’est oublié. La loi indienne prévoit que chaque habitant doit pouvoir voter à moins de 2 kilomètres de chez lui. Un bureau de vote va ainsi être aménagé spécialement pour le seul résident du parc national Gir dans le Gujarat, un prêtre hindou qui vit sur un lieu de pèlerinage dédié à Shiva. Ces élections de la démesure, qui s’étalent sur six semaines du 11 avril au 19 mai, seront également parmi les plus longues au monde. Des salles sécurisées seront aménagées pour abriter les machines de votes électroniques qui ont recueilli les suffrages, en attendant le dépouillement du 16 mai. Chaque salle forte ne pourra comporter qu’une seule porte d’entrée, gardée par la police, devant laquelle seront installées des tentes où les représentants de chaque parti pourront surveiller les allées et venues.

Dans un bureau de vote de Khatauli, dans l’Etat indien de l’Uttar Pradesh, le 11 avril. / MONEY SHARMA / AFP

Contrôles. Les autorités devront également veiller au respect du code électoral. Une tâche titanesque puisque des milliers de candidats feront campagne. Lors des dernières élections générales de 2014, 1 709 partis politiques avaient présenté un candidat. Mais pour la majorité d’entre eux, les élections n’étaient qu’un moyen de se donner une visibilité pour faire passer un message ou une revendication, plutôt que de remporter un siège au parlement. Seuls 35 partis sont actuellement représentés à l’actuelle chambre basse du Parlement.

Le code électoral est très strict. Aucun membre du gouvernement ne doit se rendre à une cérémonie d’inauguration pendant la campagne officielle et l’utilisation de symboles ou de photographies de l’armée (très populaire en ce moment dans un contexte de poussée de fièvre nationaliste) est prohibée. Mercredi 10 avril, la commission électorale a repoussé à la fin des élections la sortie en salles d’un film à la gloire du premier ministre indien Narendra Modi et a suspendu la chaîne NaMo TV (pour « Narendra Modi » TV) qui était apparue sur les bouquets satellite début avril. La commission électorale a déployé des millions d’agents partout dans le pays pour veiller à la bonne conduite de la campagne et du scrutin, et des brigades mobiles montent des barrages routiers pour inspecter les véhicules et vérifier que des liasses de billets ou des bouteilles d’alcool n’y sont pas cachées pour être distribués aux électeurs. Des membres de la commission électorale suivent également chaque « road show », caméscopes à la main, pour compter le nombre de véhicules et recenser les moyens déployés.

Réseaux sociaux. L’usage de pancartes et d’affiches a diminué cette année, ce qui devrait considérablement réduire la production de déchets plastiques. Il y a en revanche une autre campagne électorale plus difficile à superviser : celle sur internet et les médias sociaux. La commission électorale indienne s’est contentée d’affirmer que les grandes plateformes comme Facebook, Twitter, Google encore Youtube avaient nommé des responsables chargés de vérifier le respect des règles électorales. Avec ses 300 millions d’utilisateurs mensuels sur Facebook et presque autant sur WhatsApp, les réseaux sociaux indiens sont inondés de fausses informations. Facebook a annoncé le 1er avril avoir retiré 687 fausses pages et comptes engagés dans de la propagande et liés au Congrès, le principal parti d’opposition en Inde.