LCP-Public Sénat, samedi 13 avril à 21 heures, documentaire

Pas seulement en raison de son nom, la « Bleuite » pourrait s’apparenter à une maladie virale, contagieuse, voire honteuse ; de celles que l’on tait malgré les traces laissées sur la peau. Et des stigmates, cette opération d’infiltration et de manipulation menée par les services français lors de la guerre d’Algérie, en aura laissé, tant sur les corps torturés que dans les mémoires.

Cette guerre secrète, retorse, n’est pas de celles que l’on raconte volontiers

Il n’est pour s’en convaincre que d’écouter aujourd’hui Rémy ­Madoui, ex-membre de l’Armée de libération nationale (ALN), ­raconter à mots comptés les tortures que lui infligèrent ses frères d’armes, pendant deux semaines. Une éternité. Avant qu’il parvienne, par miracle, à s’évader.

Cette guerre secrète, retorse, qui entraîna une purge effroyable au sein de l’ALN, n’est pas de celles que l’on raconte ­volontiers, d’un côté comme de l’autre de la Méditerranée. Aussi est-ce l’un des grands mérites de Jean-Paul Mari que de retracer avec minutie cet épisode ­méconnu, en s’appuyant sur de maigres archives, et les témoignages éclairants et émouvants ­d’anciens maquisards.

Une vaste purge

L’épisode a pour prélude et pour cadre la Casbah. C’est là, au plus fort de la bataille d’Alger, que le ­capitaine Paul-Alain Léger choisit de lancer, en 1957, une opération d’infiltration et de déstabilisation de ce bastion FLN. Rompu en Indochine à la technique de « retournement de l’ennemi », ce fin psychologue forme très vite une petite équipe de « bleus » qui ne cessera de grossir au fil des semaines.

Grâce à ces hommes, arborant pour certains des bleus de travail, mais aussi à quelques femmes – comme la fameuse Ouria –, l’officier français parvient à arrêter Yacef Saadi, chef FLN de la zone autonome d’Alger. La ZAA décapitée, Paul-Alain Léger la « ranime » avec une redoutable duplicité. Le temps pour lui d’intoxiquer l’ALN, tout particulièrement le colonel « Amirouche le terrible », en lui faisant croire que ses troupes sont ­infestées d’agents doubles.

Le ­poison de la suspicion inoculée, la « bleuite » peut alors se répandre dans tout le maquis. Aveuglement et paranoïa faisant le reste, elle conduira à une vaste purge au sein de l’ALN. Purge dont, aujourd’hui encore, on ne peut dénombrer les victimes – certains avancent le chiffre de 4 000 morts –, ni mesurer les conséquences réelles qu’elle eut sur l’Algérie naissante.

La Bleuite, l'autre guerre d'Algérie de : Jean-Paul Marie
Durée : 01:32

La Bleuite, l’autre guerre d’Algérie, de Jean-Paul Mari (France, 2017, 52 min). www.publicsenat.fr/emission/documentaires/la-bleuite-l-autre-guerre-d-algerie