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C’est le point final d’un marathon de plus de deux ans. La réforme controversée du droit d’auteur européen a été définitivement validée lundi 15 avril par un dernier vote des ministres de l’Union européenne (UE), réunis à Luxembourg. Cette dernière étape devait être une formalité après des négociations très difficiles de la réforme, sur fond de lobbyisme sans précédent de la part de ses partisans comme de ses opposants.

Six pays ont tout de même voté contre, selon des sources européennes : l’Italie, la Finlande, la Suède, le Luxembourg, la Pologne et les Pays-Bas. Une minorité toutefois, insuffisante pour bloquer le texte. La Belgique, l’Estonie et la Slovénie se sont par ailleurs abstenues.

Transposition dans les législations nationales

Une fois les nouvelles règles publiées dans le journal officiel de l’UE, les Etats membres auront vingt-quatre mois pour les transposer dans leurs législations nationales. La réforme avait reçu l’aval des eurodéputés à la fin mars, dans un hémicycle divisé jusqu’au bout (348 voix pour, 274 contre et 26 abstentions).

Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a également salué la fin de cette procédure, lancée en septembre 2016, lorsque l’exécutif européen avait présenté cette réforme aux enjeux financiers importants.

« L’Europe disposera désormais de règles claires qui garantiront une rémunération équitable aux créateurs, des droits forts pour les utilisateurs et la responsabilité des plates-formes », a affirmé M. Juncker dans un communiqué.

Deux articles controversés

Deux articles étaient dans le collimateur des opposants.

L’article 13 a pour objectif de renforcer la position de négociation des créateurs et ayants droit (compositeurs, artistes…) face aux plates-formes comme YouTube ou Tumblr, qui utilisent leurs contenus. Certains craignent l’utilisation de filtres de téléchargement automatiques, accusés par les partisans de la liberté sur Internet d’ouvrir la porte à une forme de censure.

« Le lobby du divertissement ne s’arrêtera pas là, au cours des deux prochaines années, il fera pression pour des applications au niveau national qui ignorent les droits fondamentaux des utilisateurs. Il sera plus important que jamais pour la société civile de maintenir la pression dans les Etats membres », a réagi sur Twitter l’eurodéputée Julia Reda, du parti Pirate et figure de proue des opposants.

L’autre article controversé, le 11, préconise la création d’un « droit voisin » du droit d’auteur pour les éditeurs de presse. Il doit permettre aux médias, comme l’Agence France-Presse (AFP), de se faire mieux rémunérer lors de la réutilisation en ligne de leur production par des agrégateurs d’informations, comme Google News, ou des réseaux sociaux, comme Facebook.

De son côté, la CCIA Europe, représentant du lobby de l’industrie numérique à Bruxelles, a dénoncé un texte « disproportionné ». « Nous craignons que cela ne nuise à l’innovation en ligne et ne restreigne les libertés en ligne en Europe. Nous exhortons les Etats membres à évaluer de manière approfondie et à essayer de minimiser les conséquences du texte lors de sa mise en œuvre », a déclaré Maud Sacquet, de la CCIA, dans un communiqué.

NDLR : Le Monde est membre de l’Alliance de la presse d’information générale, qui regroupe trois cents médias français, et soutenait le texte.