La commissaire européenne au commerce, Cecilia Malmström, à Bruxelles, le 18 janvier. / EMMANUEL DUNAND / AFP

L’Union européenne est prête à ouvrir des tractations commerciales « limitées » avec les Etats-Unis. Les mandats de négociation tout juste obtenus, la commissaire au commerce, Cecilia Malmström, a fait part, lundi 15 avril, de son intention de conclure un accord « gagnant-gagnant » d’ici au 1er novembre. Un optimisme entaché par l’opposition de la France et par l’écart abyssal entre les positions des deux blocs.

Alors que Washington prévoit de négocier un accord large, Bruxelles souhaite en effet se limiter à deux volets, à savoir l’élimination des droits de douane sur les biens industriels (hors produits agricoles) et de nouvelles dispositions sur l’évaluation de la conformité afin de faciliter l’homologation des produits.

Les Américains sont disposés à négocier depuis la mi-février, mais, du côté européen, il a fallu plus de temps. La France, craignant le spectre d’un « TTIP bis » (partenariat transatlantique de commerce et d’investissement), aurait d’ailleurs préféré attendre jusqu’au lendemain des élections européennes du 26 mai.

Cependant, d’autres Etats membres, particulièrement inquiets face à un Donald Trump qui visera un second mandat à l’automne 2020, souhaitaient ne pas tarder – le locataire de la Maison Blanche devant décider, à la mi-mai, s’il impose des droits de douanes supplémentaires sur les importations de voitures européennes. D’autant plus que la poursuite des négociations leur assure une certaine protection puisque l’agenda positif sur lequel se sont engagées les deux parties à l’été 2018 leur interdit implicitement d’imposer de nouvelles taxes pendant qu’elles négocient.

Contrairement à une première version publiée en janvier, les directives de négociation telles qu’adoptées intègrent toute une série de sauvegardes pour répondre aux préoccupations de la France. Ainsi, les documents, d’une quinzaine de pages au total, précisent que le TTIP est « obsolète » et n’est « plus approprié ». Ils enjoignent aux Etats-Unis de retirer leurs taxes sur l’acier et l’aluminium, et de ne pas en imposer de nouvelles.

Abstention de la Belgique

Ils réaffirment, en outre, que les produits agricoles sont exclus des discussions, tandis que la pêche est incluse en tant que secteur sensible (ce qui, in fine, pourrait donner lieu à l’exclusion de certains produits spécifiques). Enfin, la Commission européenne promet de mener rapidement une étude d’impact sur le développement durable, afin de vérifier que les Etats-Unis ne tirent pas un avantage concurrentiel de leur sortie de l’accord de Paris sur le climat scellé en 2015.

Toutes ces assurances n’auront toutefois pas été suffisantes. Lors d’un vote des ambassadeurs la semaine dernière, puis d’une réunion ministérielle lundi, la France a clairement exprimé son opposition et la Belgique s’est abstenue, faute d’accord au niveau interne. Emmanuel Macron a expliqué sur Twitter que « la France [s’opposait] au lancement d’une négociation commerciale avec les Etats-Unis, qui se placent en dehors de l’accord de Paris ».

Paris avait parfaitement conscience, au moment du vote, que son opposition n’empêcherait pas les mandats d’être adoptés

Pour Hosuk Lee-Makiyama, directeur du Centre européen d’économie politique internationale (Ecipe), la raison de cette absence d’unanimité, très rare sur les questions commerciales, est à chercher ailleurs : « On a déjà vu par le passé la France s’opposer à des choses qu’elle voulait dans l’espoir d’en obtenir davantage. Dans ce cas-ci, l’idée n’est pas tant d’obtenir plus, mais bien de s’attaquer au fait qu’Emmanuel Macron a une cote de popularité extrêmement basse », affirme-t-il. Et d’insister sur le fait que Paris avait parfaitement conscience, au moment du vote, que son opposition n’empêcherait pas les mandats d’être adoptés.

Si les partenaires européens ont pris la décision d’avancer en ordre dispersé, le plus dur reste à faire. Comme l’a reconnu Mme Malmström, « le Congrès américain a un schéma de négociation qui diffère de celui des Européens », en réclamant l’inclusion de l’agriculture. Du côté européen, le processus de ratification sera également délicat : l’accord provisoire, une fois négocié, nécessitera le soutien de 55 % des Etats membres (représentant 65 % de la population) et d’une majorité absolue des eurodéputés. Ce qui n’est pas acquis quand on sait que l’actuel Parlement, qui sera renouvelé après le scrutin de la fin mai, avait échoué en mars à s’accorder sur une résolution commune.