Un homme marche devant une banderole représentant le président égyptien Sissi, le 16 avril 2019, au Caire. / MOHAMED ABD EL GHANY / REUTERS

Le Parlement égyptien a voté, mardi 16 avril, en faveur de la prolongation de la présidence d’Abdel Fattah al-Sissi jusqu’en 2024, ainsi que la possibilité pour lui de se présenter de nouveau à cette date, ont indiqué le journal d’Etat Al-Ahram et la télévision publique Nile TV. Et ce, malgré les graves violations des droits humains qui ont entaché son dernier mandat.

« Le mandat actuel du président doit se terminer au bout de six ans », stipule l’amendement voté par le Parlement mardi, avant de préciser : le président « peut être réélu pour un autre mandat » de six ans.

Arrivé au pouvoir après le renversement par l’armée du président islamiste Mohamed Morsi en 2013, M. Sissi a été réélu président l’an dernier. Il avait été élu pour la première fois en 2014, un an après avoir renversé avec l’armée Mohamed Morsi, dont il était le ministre de la défense.

Arrestations d’opposants

Sa réélection en 2018 avec plus de 97 % a eu lieu dans le cadre d’un scrutin marqué par la présence d’un seul rival, relégué au rang de faire-valoir, et par une série d’arrestations d’opposants.

Chantre de la stabilité et de la lutte antiterroriste auprès des chancelleries occidentales, Abdel Fattah al-Sissi, 64 ans, est accusé par les ONG de graves violations des droits humains : torture, disparitions forcées, record d’exécutions capitales, emprisonnement d’opposants, musellement de la presse…

Mais les partisans du chef de l’Etat au Parlement maintiennent que la révision constitutionnelle s’avère indispensable à la stabilité politique et économique du pays. M. Sissi « a pris d’importantes mesures politiques, économiques et sécuritaires (et) doit poursuivre ses réformes », a expliqué à l’AFP le député Abou Hamed.

Comptant moins d’une vingtaine de députés, la petite alliance d’opposition, le bloc « 25-30 », a appelé les Egyptiens a rejeté cette révision. Celle-ci doit être soumise à un référendum populaire si les amendements sont adoptés à la majorité des deux tiers du Parlement, composé de 596 députés.

A contre-courant

Ce vote au Parlement égyptien intervient à contre-courant du climat régional.

Au Soudan voisin, Omar el-Béchir, au pouvoir depuis trois décennies, a été renversé le 11 avril au terme d’une contestation populaire. En Algérie, le refus du 5e mandat d’Abdelaziz Bouteflika a provoqué des manifestations de rue inédites et la démission du président le 2 avril.

« Après la chute de Bouteflika en Algérie et de Béchir au Soudan (…), n’avons-nous pas appris la leçon ? », a ironisé sur Twitter Haitham el-Hariri, jeune député membre de l’opposition. Mais cette opposition à la révision constitutionnelle reste presque exclusivement cantonnée aux réseaux sociaux. L’écrasante majorité des médias, en particulier la télévision, relayent le discours des soutiens du président Sissi, diabolisant les voix critiques, qui vivent généralement en exil.

Human Rights Watch (HRW) a appelé, la semaine dernière, le Congrès américain à ne pas donner son « feu vert à la répression » en Egypte, alors que M. Sissi était en visite à Washington, où il a rencontré son allié Donald Trump.

Selon l’ONG, le « projet de réforme constitutionnelle (…) institutionnalise davantage l’autoritarisme ». « S’ils étaient adoptés, ces amendements constitutionnels aggraveraient la crise dévastatrice des droits humains » en Egypte, a aussi dénoncé Amnesty International.

La révision constitutionnelle doit également accroître le contrôle du pouvoir judiciaire par l’exécutif et institutionnaliser le rôle politique de l’armée, pilier du régime.