Ciné+ Club, mardi 16 avril à 22 h 45, film

Plus que des traits des ­personnages, de leurs motivations, c’est du brouillard qui les entoure que l’on s’imprègne en regardant Una questione ­privata, dernier film réalisé par Paolo et Vittorio Taviani (Vittorio, l’aîné, est mort le 15 avril 2018). De la brume épaisse qui s’abat sur les collines des Langhe, cette région du Piémont où se situe ­l’action du récit, emprunté à Beppe Fenoglio (1922-1963), auteur qui consacra son œuvre aux partisans italiens, dont il avait fait partie.

Comme son titre l’indique, Una questione privata met en mouvement les mécaniques contradictoires des passions privées et de l’action politique armée. Les ­Taviani ont beau traiter consciencieusement ce thème, leur film semble se défaire de cette intention pour devenir une succession de visions ténébreuses d’un passé à la fois glorieux et terrifiant – la guerre de partisans contre les fascistes.

Un triangle amoureux

On est au dernier automne de la seconde guerre mondiale. Dans les collines du Piémont, les partisans affrontent les Chemises noires de la république de Salo. De très jeunes gens battent la campagne dans le froid, mal armés, mal vêtus, mal nourris. Au hasard d’une patrouille, Milton (Luca Marinelli) revient dans la belle maison de maître où il a composé, en 1943, avec Giorgio (Lorenzo Richelmy) et Fulvia (Valentina Belle), un triangle amoureux qui mêla littérature, jazz et marivaudage. Depuis, Fulvia s’est réfugiée en ville ; Milton puis Giorgio ont rejoint les rangs des partisans.

La gouvernante laisse entendre à Milton, qui était jusqu’alors sûr de l’amour de Fulvia, que Giorgio en a lui aussi été le récipiendaire. Le jeune homme se lance alors à la recherche de son ami et désormais rival. Dans ce paysage d’escarpements épuisants et de fermes isolées, le garçon pose son regard halluciné sur ce monde qui lui échappe. La réalité se défait en une série de plans : une petite fille s’extrait d’un monceau de cadavres, un prisonnier fasciste cesse de parler. Et toujours le brouillard, pour faire douter de la justesse des décisions et des impulsions.

Lire l’entretien avec Paolo Taviani (en 2018) : « J’arrêterai quand l’Italie se relèvera »

Malgré des retours en arrière laborieux qui évoquent l’éden fracassé par la guerre, ce film bref, imparfait mais bouleversant retentit comme l’ultime célébration d’une façon de pratiquer un art, dont l’un des premiers et plus beaux exemples fut Païsa, de Roberto Rossellini.

UNA QUESTIONE PRIVATA bande-annonce VOST sortie le 06-06-2018
Durée : 01:21

Una questione privata, de Paolo et Vittorio Taviani. Avec Luca Marinelli, Lorenzo Richelmy, Valentina Belle (It., 2017, 85 min). www.mycanal.fr/cinema