Le juge parisien Renaud Van Ruymbeke a renvoyé sur les bancs des prévenus Rifaat Al-Assad, 81 ans, afin qu’il soit jugé pour « blanchiment en bande organisée », de fraude fiscale aggravée et de détournements de fonds publics aux dépens de l’Etat syrien, selon l’ordonnance signé par le magistrat le 15 avril et dont a eu connaissance l’Agence France-Presse (AFP) mercredi 17 avril.

Ancien pilier du régime syrien, le frère de l’ex-président syrien Hafez Al-Assad, soupçonné de s’être frauduleusement bâti en France un empire immobilier, est soumis depuis sa mise en examen en juin 2016 à un contrôle judiciaire qui limite ses déplacements internationaux. Rifaat Al-Assad a toujours soutenu devant les enquêteurs que sa fortune provenait des largesses du royaume saoudien, des justifications que le magistrat a jugé insuffisantes.

Contraint à l’exil en 1984 et depuis lors opposant déclaré au pouvoir syrien et partageant sa vie entre la Grande-Bretagne, la France et l’Espagne, Rifaat Al-Assad est accusé par l’ONG anticorruption Sherpa (créée en 2001 en vue de protéger et défendre les populations victimes de crimes économiques), qui avait porté plainte en 2013 et en 2014, d’avoir acquis de luxueux biens immobiliers grâce à l’argent issu de la corruption et de détournements de fonds en Syrie. L’instruction, qui fait écho aux affaires de « biens mal acquis » de chefs d’Etat africains, est menée par le juge financier Renaud Van Ruymbeke.

La plupart de ses biens saisis

Le juge soupçonne notamment Rifaat Al-Assad d’avoir « mis à l’abri son patrimoine immobilier », évalué à 90 millions d’euros, dans des sociétés « immatriculées dans des paradis fiscaux ». La plupart de ses biens – dont deux hôtels particuliers et une quarantaine d’appartements, un haras et un château – ont été saisis. Tout comme plus de cinq cents biens en Espagne, d’une valeur de 691 millions d’euros, après une vaste opération policière en 2017.

« Le symbole historique est fort qu’un ancien responsable du pouvoir sanguinaire de Damas, oncle de Bachar, rende des comptes pour des crimes d’argent qui ne doivent pas faire oublier les crimes de sang qu’il a commis », a réagi William Bourdon, président fondateur de Sherpa.

Rifaat Al-Assad est considéré comme l’un des principaux acteurs du massacre de Hama en février 1982, en représailles, ayant causé des milliers de morts, d’un soulèvement armé des Frères musulmans. Rifaat Al-Assad a par ailleurs gardé son titre de vice-président de la Syrie jusqu’en 1998.