Dans un hôpital d’Arusha, en Tanzanie, en mai 2016. / Katy Migiro/REUTERS

Tribune. Le paludisme, dû à un parasite transmis par un moustique, figure parmi les maladies les plus meurtrières au monde : il a tué 435 000 personnes en 2017, dont 400 000 en Afrique. Eradiquée d’Europe depuis près de cinquante ans, la maladie et ses ravages parmi les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes qu’il touche principalement sont souvent ignorés. Un enfant de moins de 5 ans meurt du paludisme toutes les deux minutes et beaucoup de ceux qui survivent voient leur santé fragilisée, leur développement scolaire puis économique ralenti.

Pourtant, des progrès considérables ont été faits ces vingt dernières années grâce à des tests de diagnostic rapides et plus fiables, à la distribution massive de moustiquaires de longue durée imprégnées d’insecticide, aux campagnes préventives contre le paludisme saisonnier, et enfin dans le traitement de l’infection depuis l’apparition de nouveaux médicaments combinant plusieurs antipaludiques à base d’artémisinine. Mais, à ce jour, il n’y a pas de vaccin pour prévenir la maladie.

De retour d’un voyage d’étude parlementaire sur le paludisme au Niger, quatrième pays le plus fortement touché dans le monde par le paludisme, nous avons pu mesurer à la fois les progrès réalisés et les défis à relever pour combattre efficacement cette maladie.

L’espoir d’un vaccin

Dans le district de Say, au sud de Niamey, nous avons constaté la façon dont les agents de santé communautaires et les personnels des centres de santé sensibilisent les villageois à la bonne utilisation des moustiquaires imprégnées et assurent une prise en charge de premier recours des enfants et de leurs mères. Ces relais locaux, également actifs pour la détection et le diagnostic des personnes vivant avec le VIH et la tuberculose, fournissent des traitements rapides et contribuent à la diminution de la prévalence du paludisme, à une meilleure prise en charge du VIH et de la tuberculose, mais également à celle de la malnutrition et des diarrhées chez l’enfant. Ainsi, les moyens mis en œuvre pour lutter contre le paludisme ont permis de réduire la mortalité liée à cette maladie d’environ 30 % entre 2010 et 2015, et contribuent également à renforcer le système de santé primaire nigérien.

Ces progrès, nous les devons à la volonté de la communauté internationale qui, dans le cadre des Objectifs de développement durable (ODD), s’est engagée à éliminer le paludisme dans au moins 35 pays d’ici à 2030, et à réduire la mortalité due à la maladie d’au moins 90 % par rapport à 2015, à cette même échéance.

Toutefois, quatre ans seulement après l’adoption des ODD, le risque de résurgence du paludisme dans le monde est plus que jamais d’actualité. En 2017, les 10 pays africains les plus impaludés ont signalé une augmentation du nombre de cas par rapport à 2016, et des résistances aux traitements et aux insecticides commencent à se répandre.

Il faut désormais accélérer la lutte si nous voulons éliminer cette maladie et atteindre les objectifs fixés par la communauté internationale. Et cela passe par un accroissement des ressources disponibles pour mieux diagnostiquer, prévenir, traiter et poursuivre la recherche dans l’espoir de trouver de nouveaux médicaments, et un vaccin.

Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme est le principal instrument dont nous disposons pour y parvenir. A lui seul, il apporte près de 60 % du financement international de la lutte contre le paludisme et, entre 2002 et 2017, il a investi plus de 10,5 milliards de dollars US (9,36 milliards d’euros) au profit des programmes de lutte antipaludique dans plus d’une centaine de pays dont les ressources sont limitées. Grâce à son action et à celles de ses partenaires, le nombre de décès dus au paludisme dans le monde a chuté de 42 % entre 2002 et 2016, et la mortalité des enfants de moins de 5 ans a diminué de 60 % sur la même période.

En 2017, près de 3,1 milliards de dollars ont été investis dans cette lutte par la communauté internationale et par les pays impaludés eux-mêmes, qui ont contribué pour un tiers de cette somme. Mais cet effort n’est pas suffisant. Pour atteindre les objectifs de 2030, il faudrait plus que doubler l’investissement annuel d’ici 2020.

Europe forte et altruiste

Là est tout l’enjeu de la 6e Conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial qui aura lieu en octobre à Lyon. Le Fonds mondial cherche à réunir au moins 14 milliards de dollars pour les trois prochaines années (2020-2022) et nous devons l’aider à y parvenir. C’est l’une des conditions pour accélérer la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. C’est ce qui permettrait de sauver 16 millions de vies supplémentaires, au-delà des 27 millions de vies déjà sauvées.

Deuxième contributeur au Fonds mondial, la France s’est engagée à hauteur de 1,08 milliard d’euros pour la période 2017-2019, portant sa contribution totale depuis la création de l’institution à plus de 5 milliards d’euros. En tant que leader historique de la lutte contre les pandémies, la France se doit d’intensifier ses efforts et de montrer la voie aux autres pays pour faire un bond vers l’élimination de ces trois pandémies en tant que menaces mondiales de santé publique d’ici 2030. Cet engagement doit être tenu. Parce qu’il en va de l’avenir des pays les plus touchés par ces épidémies. Mais aussi parce que c’est notre propre avenir qui est en jeu. Celui d’une Europe forte et altruiste, et d’une France solidaire et partie prenante d’un multilatéralisme renouvelé. Le Parlement entend prendre toute sa part dans ce débat.

Jean-François Mbaye, député du Val-de-Marne, et Pierre Cabaré, député de la Haute-Garonne, de retour d’une mission parlementaire au Niger.