De gauche à droite : Jean-Pierre Lacroix, secrétaire général adjoint de l’ONU en charge des opérations de maintien de la paix ; Firmin Ngrebada, premier ministre centrafricain ; et Smaïl Chergui, commissaire de l’Union africaine en charge de la paix et de la sécurité, lors de la réunion du Groupe international de soutien (GIS) à la RCA, à Bangui, le 17 avril 2019. / Gaël Grilhot

« C’est une manifestation d’unité des partenaires internationaux autour de la Centrafrique, mais c’est aussi très concret. » Ce mercredi 17 avril, Jean-Pierre Lacroix a le sourire pour la deuxième réunion du Groupe international de soutien (GIS), qui rassemble à Bangui les partenaires internationaux de la République centrafricaine. Un point d’étape, un peu plus de deux mois après la signature d’un nouvel accord de paix négocié à Khartoum début février.

Deux jours plus tôt, le secrétaire général adjoint des Nations unies et chef des opérations de maintien de la paix, s’était rendu avec Smaïl Chergui, le commissaire de l’Union africaine à la paix et à la sécurité, et Firmin Ngrebada, le premier ministre centrafricain, à Bambari et à Bangassou. Et ce qu’il a vu, dit-il, l’a plutôt rassuré : « Nous avons assisté à Bambari à la mise en place des mécanismes de suivi de l’accord. Nous avons lancé la formation de l’unité mixte prévue par l’accord, qui sera déployée dans cette zone. »

Une cérémonie à laquelle était également convié Ali Darass, le chef de l’Union pour la paix en Centrafrique (UPC), un groupe armé impliqué dans de nombreuses violences. Celui-ci prenait ce même jour ses fonctions de conseiller spécial à la primature, chargé de la mise en place des unités mixtes pour le Nord-Est. Ces unités, prévues dans l’accord de paix signé le 6 février, doivent être composées de membres des forces de sécurité et des groupes armés, et déployées dans l’ensemble du pays.

« Une décrue de la violence »

Ali Darass n’est pas le seul chef de groupes armés à avoir été promu à un poste à responsabilités dans un gouvernement qu’il combattait jusque-là. La mise en place d’un gouvernement inclusif, intégrant des chefs de milices, est en effet un point essentiel de l’accord de Khartoum. Le prix à payer, selon le chef de l’Etat centrafricain et les partenaires internationaux, pour aboutir à une paix durable.

Pour Jean-Pierre Lacroix, la concession a indéniablement porté ses fruits : « Il y a une décrue de la violence depuis la signature de l’accord. Ça ne veut pas dire que les défis ont disparu. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas encore de présence de groupes armés. Il y a beaucoup de choses à faire, mais il y a déjà eu quand même des effets positifs. »

Cet optimisme est cependant relativisé par divers acteurs qui soulignent une forte différence entre les annonces et ce qui peut être constaté sur le terrain. Lucy Tamlin, la nouvelle ambassadrice des Etats-Unis, se dit ainsi préoccupée « par les incidents meurtriers qui continuent de se produire ». L’observation est largement partagée par les organisations humanitaires.

Huitième accord signé en cinq ans

« Les incidents sécuritaires causant le déplacement de la population sur toute l’étendue du territoire sont toujours inquiétants, explique François Batalingaya, chef du Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) à Bangui. Le nombre de personnes déplacées est à la hausse. Il a augmenté de 15 %, passant de 621 000 en août 2018 à près de 656 000 fin février. » Selon lui, « le niveau élevé d’insécurité, la fragmentation des groupes armés, les infrastructures en mauvais état, aggravées par l’impunité généralisée, continuent d’entraver l’accès humanitaire ».

Les populations civiles sont les premières victimes de la violence des bandes armées qui morcellent le pays. Mais les humanitaires sont, eux aussi, toujours confrontés à un fort niveau d’insécurité. Quelque 70 incidents (vols, menaces et agressions, restrictions d’accès) les visant ont eu lieu depuis janvier, selon l’OCHA. En mars, cinq humanitaires ont été blessés et, le 4 avril, un infirmier auxiliaire de Médecins sans frontières a été tué par des membres d’un groupe armé à Batangafo, dans le nord-ouest du pays. Omar Balanza, le responsable de la base, avait alors dénoncé « un crime lâche » et demandé explicitement à ce que « les groupes armés contrôlent leurs éléments ».

« Je crois que le constat de la diminution de la violence est une réalité, insiste néanmoins Jean-Pierre Lacroix. Avant d’ajouter : « Tous les actes de violence ont disparu ? Non. La discipline totale au sein de tous les groupes armés existe-t-elle ? Probablement pas. Je crois qu’il est important, et c’est ce que nous avons fait aujourd’hui, d’insister auprès d’eux pour que, conformément à leurs engagements, la violence cesse. » L’accord de Khartoum est le huitième signé en cinq ans. Jusque-là, tous ont volé en éclats.