Informations sensibles, confidentielles, compromettantes... Le rapport final sur l’enquête russe qui doit être publié jeudi 18 avril dans une version expurgée de toute une série de détails risque de laisser l’opinion publique américaine sur sa faim et soulève les interrogations de l’opposition démocrate.

Son auteur, le procureur spécial Robert Mueller, a déjà mené ses investigations dans le plus grand secret pendant vingt-deux mois. Le 22 mars, il a clos son enquête en transmettant un rapport final de 400 pages au ministre de la justice, William Barr, sans dire un mot de plus. Le ministre, un juriste chevronné, a toute discrétion sur la publication du document. Pour l’instant, il a fait savoir que l’ancien chef du FBI n’avait pas trouvé de preuve d’une entente entre la Russie et l’entourage de Donald Trump lors de la campagne de 2016, et il a estimé ne pas avoir matière à poursuivre le président pour entrave à la justice.

Pour le reste, il a renvoyé au rapport final de Robert Mueller et promis la plus grande transparence. L’Attorney General des Etats-Unis a toutefois précisé que le cadre légal l’obligeait à retrancher quatre types d’information aux yeux du public. Le rapport final sera d’abord expurgé de tous les détails qui pourraient permettre d’identifier une source des services du renseignement ou un informateur de la police fédérale, a-t-il dit. Sera également retranché tout ce qui pourrait porter atteinte à une enquête en cours. Or, des procureurs de New York ou Washington enquêtent sur la base d’informations découvertes par Robert Mueller, notamment sur des sommes versées pendant la campagne à des femmes se présentant comme d’anciennes maîtresses de Donald Trump.

Seront aussi dissimulées les données susceptibles de nuire à la réputation d’acteurs « périphériques », que la justice a décidé de ne pas poursuivre. Cela pourrait concerner le gendre ou le fils de Donald Trump, un temps cités dans l’enquête sur les soupçons de collusion avec la Russie.

Les démocrates réclament la publication intégrale

Les dernières coupes porteront sur les éléments obtenus par un « grand jury ». Outil-clé du droit américain, ces collectifs de citoyens tirés au sort ont pour mission de décider s’il est opportun de renvoyer un suspect devant un tribunal. La Constitution rend cette procédure obligatoire pour les accusations graves et le procureur Mueller avait mis sur pied au moins deux grands jurys, un à Washington, l’autre dans l’Etat voisin de Virginie, pour l’assister dans son enquête. Les grands jurys sont dotés de larges pouvoirs – ils peuvent réclamer des documents et convoquer des témoins – et opèrent en toute confidentialité. Ce secret vise à assurer que les témoins parlent librement et que la réputation du suspect reste intacte si aucune charge n’est retenue contre lui.

Dans le document publié jeudi, un code couleur permettra de comprendre quelle coupe relève de quelle catégorie. Selon le Washington Post citant « des personnes familières du sujet », la version que le ministère de la justice va publier ne sera que légèrement censurée. Le texte montrera notamment, selon ces sources, que le procureur spécial a décidé qu’il ne pouvait pas parvenir à une conclusion sur la question d’une possible entrave à la justice parce qu’il était difficile de déterminer quelles étaient les intentions de M. Trump dans ce domaine, et parce que certaines de ses actions pouvaient être considérées comme innocentes.

L’opposition démocrate a fait savoir qu’elle jugeait les motifs invoqués « légitimes pour empêcher le public d’avoir accès à certaines informations », mais pas pour en « priver le Congrès ». Elle soupçonne William Barr de vouloir dissimuler les éléments embarrassants pour le président Trump et réclame que le rapport intégral soit transmis aux commissions parlementaires habilitées, et habituées à traiter d’informations confidentielles.