Incendie de Notre-Dame : le récit des pompiers qui ont sauvé la cathédrale
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« Le pays et le monde tout entier nous ont regardés et vous avez été exemplaires », a lancé Emmanuel Macron, jeudi 18 avril, en recevant à l’Elysée les pompiers et toutes celles et ceux qui se sont mobilisés pour sauver Notre-Dame de Paris du feu qui l’a ravagée le 15 avril.

Ces hommes et ces femmes de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) ont d’ailleurs été considérés comme les héros de Notre-Dame de Paris par la foule qui assistait au désastre, lundi soir et qui les saluaient de salves d’applaudissements.

Parmi eux, on compte l’adjudant-chef Philippe Demay, chef de caserne du 5arrondissement, la caporale-chef Myriam Chudzinski ou les dix hommes qui, sur ordre du général Jean-Claude Gallet, sont entrés, au péril de leur vie, dans l’enceinte de la cathédrale, ont affronté la fournaise, escaladé les beffrois et sauvé des flammes plusieurs œuvres d’art.

Légende colportée par la presse internationale

Et enfin, il y a Jean-Marc Fournier. Aumônier de la BSPP, en poste à la caserne de Champerret (17e) depuis cinq ans, membre de l’ordre du Saint-Sépulcre, son action a marqué la presse internationale, qui a fait de lui une sorte de héros malgré lui.

Le nom de Jean-Marc Fournier, 53 ans, est apparu, dès lundi soir, dans un tweet de la chaîne catholique KTO puis très vite, des médias irlandais, argentins ou américains, du New York Times au Washington Post, en passant par CNN, l’ont catapulté au rang de « pompier, prêtre et héros », en lui attribuant le sauvetage de la sainte couronne. Lui, revendique un simple rôle de « conseiller technique ».

« Un travail d’équipe »

Lunettes rondes comme son visage, l’air bonhomme, l’homme de foi raconte l’intervention comme il semble appréhender la vie : avec simplicité et spiritualité, entre deux inhalations de tabac à priser. « Ce lundi de la semaine sainte, je passais par l’Ecole militaire », a-t-il raconté :

« On a vu un énorme nuage de fumée. J’ai allumé mon téléphone. J’ai appris l’incendie. »

Incendie à Notre-Dame : témoignage de l’aumônier des pompiers de Paris
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Aumônier de permanence, il n’a pensé qu’à « sauver ce trésor inestimable qu’est la couronne d’épines [posée, selon la croyance des catholiques, sur la tête de Jésus peu avant sa crucifixion] et Jésus dans le Saint-Sacrement », les hosties consacrées, réunies dans un ciboire, que les croyants considèrent comme le corps du Christ.

« Ce n’est pas naturel de rentrer dans un édifice en flammes et qui menace de s’effondrer », concède-t-il. Mais les déplacements sont « calculés, mesurés et le produit d’un entraînement ». Il décrit le sauvetage des reliques comme « un travail d’équipe ».

De l’Afghanistan au Bataclan

L’aumônier de la BSPP n’est pourtant pas un inconnu. Le magazine Famille chrétienne a dressé son portrait en mars 2016. On y apprend qu’il a été prêtre en Allemagne puis dans la Sarthe, avant de rejoindre le diocèse aux armées en 2004.

A ce titre, il a participé à des opérations extérieures et était présent notamment à l’embuscade du col d’Uzbin, le 18 août 2008, au cours de laquelle dix soldats français avaient été tués. « Lors de ma première sortie en Afghanistan, j’ai été saisi par la crainte : tout ce que je voyais pouvait être un danger potentiel, comme nous l’avions appris lors des stages de préparation. J’avais le choix : soit vivre dans la terreur durant la durée de l’opex [opération extérieure], soit faire confiance à la providence. » Il choisit la providence : « Fais ce que tu dois, advienne que pourra », expliquait-il à Famille chrétienne.

Celui que les soldats surnomment « Padre » s’est imposé comme « un confident »

En 2011, il rejoint la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, dont il devient l’un des quatre aumôniers, aux côtés du pasteur Christophe Genevaz, du rabbin Betzalel Lévy et de l’imam Karim Arbi. Depuis son arrivée chez les pompiers de Paris en 2011, celui que les soldats surnomment « Padre » s’est imposé comme « un confident, un ami », raconte le porte-parole de la brigade, le lieutenant-colonel Gabriel Plus.

Le 13 novembre 2015, il intervient aux abords du Bataclan et participe à l’évacuation des blessés, malgré le danger : « Soit on se bouge, soit on est mort », a-t-il raconté à Famille chrétienne. Ensuite, il a prié devant les corps :

« Là, je donne l’absolution collective, comme l’Eglise m’y autorise. »

Au cours des derniers mois, l’aumônier a également dû « accompagner six camarades », morts en intervention, dans leur dernière demeure. Lundi, il a terminé « l’incendie du siècle » l’âme en paix : le feu, qui a mobilisé six cents pompiers, n’a fait aucune victime.

Dans le portrait que lui consacrait Famille chrétienne, il rappelait que la meilleure définition du rôle de l’aumônier militaire lui venait d’un officier pas spécialement catholique :

« L’aumônier catholique, je ne sais pas à quoi il sert, mais ce que je constate, c’est que quand il n’est pas là, les choses se passent moins bien. »