Des milliers de Soudanais manifestent devant le quartier général de l’armée à Khartoum, le 18 avril 2019. / UMIT BEKTAS / REUTERS

Des milliers de Soudanais étaient de nouveau rassemblés en masse, vendredi 19 avril, devant le quartier général (QG) de l’armée à Khartoum, la capitale. Une semaine après la destitution du président Omar Al-Bachir, les manifestants exhortent les nouveaux dirigeants militaires à transférer rapidement le pouvoir à une administration civile.

Il y a quatre mois jour pour jour, un mouvement populaire a commencé au Soudan pour protester au départ contre le triplement du prix du pain dans un pays à l’économie exsangue. Il s’est rapidement transformé en contestation contre le général Omar Al-Bachir, qui a été destitué le 11 avril par l’armée après près de trois décennies au pouvoir.

Depuis son reversement, un Conseil militaire de transition dirigé par le général Abdel Fattah Al-Burhane a pris le pouvoir et a résisté jusque-là aux appels des manifestants à le transférer à une administration civile. Déterminés à maintenir la pression, les Soudanais campent depuis le 6 avril devant le QG de l’armée dans le centre de la capitale.

Au quatorzième jour du sit-in, des milliers de personnes étaient toujours rassemblées là. Jeudi, les routes menant au secteur étaient noires de monde, à la suite d’un appel à la mobilisation lancé par des militants sur les réseaux sociaux. « Pouvoir aux civils, pouvoir aux civils », ont scandé les manifestants jusqu’à l’aube vendredi. Les Soudanais se préparent à faire la prière hebdomadaire musulmane sur le site de la protestation.

L’Association des professionnels soudanais (SPA), groupe en première ligne de la contestation, a annoncé vendredi son intention de mettre en place une autorité civile, après avoir demandé en vain aux militaires de transmettre le pouvoir à un gouvernement civil. « Les noms des membres d’un Conseil civil chargé des affaires du pays seront annoncés lors d’une conférence de presse dimanche à 19 heures » devant le QG de l’armée, précise la SPA dans un communiqué.

Révolution « inachevée »

Arrivé au pouvoir par un coup d’Etat soutenu par les islamistes, en 1989, M. Bachir a dirigé d’une main de fer un pays en proie à des rébellions dans plusieurs régions, dont celle du Darfour (ouest), et où les arrestations de chefs de l’opposition, de militants et de journalistes étaient régulières. Le chef de l’Etat déchu est sous le coup de mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale, notamment pour « génocide » au Darfour, mais les autorités actuelles refusent son extradition. Arrêté et détenu dans un lieu inconnu, M. Bachir, 75 ans, a été transféré mercredi dans une prison du nord de Khartoum. Le Conseil militaire a annoncé le même jour l’arrestation de deux de ses frères.

C’est le ministre de la défense sous Omar Al-Bachir, le général Awad Ibn Auf, qui avait pris la direction du Conseil de transition le 11 avril. Mais il a démissionné vingt-quatre heures plus tard et a été remplacé par le général Abdel Fattah Al-Burhane, un militaire peu connu.

« Il est de plus en plus clair que la révolution reste inachevée », affirme Alan Boswell, du centre de réflexion International Crisis Group, à l’Agence France-Presse (AFP). « La clique sécuritaire toujours au pouvoir résiste clairement aux exigences » de la rue. Selon lui, les manifestants ont raison de dire que les membres du Conseil militaire appartiennent à la classe dirigeante sous M. Al-Bachir.

M. Boswell évoque tout de même un « changement ». « Si vous comptez Salah Ghosh, trois dirigeants se sont retirés en une semaine », rappelle-t-il. M. Ghosh, chef redouté du Service national de renseignement et de sécurité (NISS, pour National Intelligence and Security Service, en anglais), avait démissionné après la destitution de M. Al-Bachir. Le NISS est accusé d’avoir mené la répression contre les manifestants ayant fait plus de 60 morts et des centaines de blessés. Des milliers de personnes ont été emprisonnées.

La réaction du Conseil à la pression de la rue et de la communauté internationale sera cruciale. « La volonté des Soudanais est claire : il est temps d’aller vers un gouvernement de transition qui soit inclusif et respectueux des droits humains et de l’Etat de droit », a déclaré le département d’Etat américain. L’Union africaine a, elle, menacé lundi de suspendre le Soudan si l’armée ne quittait pas le pouvoir sous quinze jours.

Soudan : comment Omar Al-Bachir a été destitué par l’armée
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